Le James Bond qui s’est un peu fait démonter à sa sortie, à cause du changement d’acteur, mais qui a gagné ses lettres de noblesse avec le temps. Toutefois, je dois établir un constat assez alarmant : ce film est sans doute le plus frustrant de toute la franchise !
Parce que oui, l’Australien Lazenby dégage quelque chose d’assez unique dans le rôle de l’agent secret britannique. Oui, la dynamique entre lui et l’incroyable Diana Rigg se démarque de ce qu’on a pu voir jusqu’à très récemment dans les films bondiens. Oui, le recasting de Blofeld est un peu déroutant, mais Telly Savalas se révèle plus menaçant, plus impitoyable (là où Donald Pleasence était très bon mais assez caricatural). Et oui, cette intrigue qui s’ancre dans une approche plus réaliste (on n’a aucun gadget farfelu), plus sombre et mature aussi, possède un potentiel monstrueux comparés aux autres de son temps. On en devine d’ailleurs certaines inspirations, hommages et références dans l’époque plus tardive, notamment les ères Dalton et Craig. Tout autant d’éléments qui lui auraient permis d’être facilement l’une des trois meilleures entrées de la franchise. Qu’est-ce qui a pu coincer ?
Tout d’abord, l’intrigue ! Malgré son énorme potentiel, c’est aussi l’un des points faibles du film. Elle se révèle aussi palpitante que cafouilleuse. Le film est plus long qu’à l’accoutumée, mais sans forcément avoir de réelles longueurs, il ne parvient pas à tenir son rythme. Il se dispersent souvent en de multiples intrigues qui semblent parfois déconnectées les unes les autres (on a pratiquement deux intrigues en une : la traque de Bloefeld, et la romance avec Tracy), avant de plus ou moins se recouper pour le dernier acte un peu par hasard.
Cette dichotomie se ressent bien au niveau de la romance de Bond : la relation avec Tracy est clairement traitée de façon différente à n’importe quelle autre James Bond Girl précédentes (et pratiquement toutes celles futures), avec un montage digne d’un soap ; et pourtant, dès qu’on repasse sur l’intrigue espionnage, on retrouve le Bond coureur de jupon, avant que Tracy ne réapparaisse un peu de nulle part et hop, on retrouve le Bond du début. C’est dommage, parce qu’en soi, il ne manque pas grand-chose pour créer quelque chose de plus organique, avec plus de liant pour consolider l’ensemble tout en lui donnant plus de fluidité. Parce que clairement, les deux aspects pris à part, on est parmi les meilleurs intrigues bondiennes et il y a largement la place pour les faire cohabiter (comme nous l’ont montré les films de Daniel Craig).
L’autre point qui fait clairement défaut au film, c’est sa réalisation/son montage. Peter Hunt était déjà au montage des précédents films et si sa méthode du « crash-cutting » pouvait fonctionner dans certains segments (mais on se souvient d’Opération tonnerre et de ses scènes presque interminables ou à peine lisible), on le sent encore novice pour la mise en scène. Certaines scènes sont bien ficelées et fonctionne bien, mais dès qu’on rentre dans l’action, que ce soit la mise en scène ou le montage, ça part en roue libre au point qu’on est sorti de l’action. Pire qu’un montage épileptique, c’est parfois une charcuterie. De même qu’on ne le sent pas très à l’aise avec les séquences en incrustations ou qui demandent plus d’effets spéciaux.
Et c’est dommage, parce que là aussi, avec une mise en scène et un montage maîtrisé, les scènes d’actions ont le potentiel d’être dans le panthéon de la franchise ! La scène d’intro, l’assaut final et le combat avec Blofeld par exemple. Mais surtout, surtout, cette séquence d’évasion et de course poursuite dans la neige de nuit… Avec sans doute le meilleur thème de la franchise après le thème principal… Tant de potentiel charcuté par un montage et une mise en scène maladroite (et cela même quand certaines scènes de cette séquences sont très bonnes parce qu’on retrouve une forme de tempérance dans le montage).
Bref, Au service secret de Sa Majesté a clairement été un des films de la franchise les plus mésestimés pendant longtemps. Et s’il mérite les lettres de noblesses qu’on lui attribue avec le recul de 60 années d’histoire bondienne, je ne peux pas m’empêcher d’en sortir frustrer tant j’ai l’impression d’un potentiel raté. On a tous les ingrédients pour faire l’un des meilleurs films de la franchise, et pourtant la sauce ne prend pas complètement. Dommage.