Bill et Janice Templeton (John Beck et Marsha Mason) sont inquiets : depuis peu de temps, un inconnu (Anthony Hopkins, magistral) les épie, s’immiscant dans leur vie quotidienne en s’intéressant d’un peu trop près à leur fille Ivy (Susan Swift). Lorsque le mystérieux homme, un nommé Hoover, les contacte, c’est pour leur expliquer qu’il est persuadé qu’Ivy est la réincarnation de sa fille Audrey Rose, morte il y a 11 ans dans un accident de voitures. Alors que Bill Templeton rejette violemment ce récit, sa femme est particulièrement troublée par les cauchemars récurrents de sa fille, qui concordent étrangement avec les dires d’Hoover...
Robert Wise est décidément un des réalisateurs les plus éclectiques qu’Hollywood ait connu. Ayant touché à tous les genres, de la comédie musicale à la science-fiction en passant par le western, le film de guerre ou d’épouvante, il excelle partout. Quoiqu’il ait déjà touché au cinéma fantastique avec son excellent La Maison du diable, il se renouvelle encore avec Audrey Rose, plus dramatique et malheureusement moins fantastique.
De fait, sans répondre catégoriquement au mystère de la double identité d’Ivy, le scénario ne joue pas assez de l’ambiguïté qui pourrait naître des différentes interprétations du phénomène, poussant trop le spectateur à prendre parti pour la réincarnation. Cela ne serait pas très grave si le film n’héritait de cette fascination sans recul de l’Occident pour les religions orientales, si caractéristique des années 1970, et n’en profitait pour nous asséner un salmigondis très indigeste à base de croyances hindoues et de spiritualité asiatique lorgnant vers le syncrétisme (car n’hésitant pas à y mêler des éléments chrétiens ), qui alourdissent péniblement le film.
Pour autant, il serait dommage de se détourner de l’œuvre de Wise, Audrey Rose synthétisant en quelque sorte deux films : un film fantastique et un drame familial. Si le côté fantastique est donc malheureusement plombé par sa pseudo-spiritualité, le drame familial est, lui, une totale réussite. Il faut dire que Robert Wise convoque devant sa caméra un quatuor d’acteurs exceptionnels, à l’alchimie parfaite. Certes, John Beck est exaspérant à cause mais c'est son rôle d’homme buté et brutal qui le veut, et en face de lui, Anthony Hopkins nous montre déjà qu’il maîtrise son personnage à la perfection, offrant une prestation proprement inoubliable en homme désorienté car persuadé de retrouver sa fille dans celle d’un autre. A leur côté, Susan Swift et Marsha Mason ne sont pas en reste, incarnant à merveille leur personnage, l’une profondément émouvante et l’autre superbement inquiétante, ce qui est d’autant plus fort qu’elles en sont respectivement à leur première et seconde apparition à l’écran.
Si l’on n’est pas dans un film d’épouvante, Robert Wise profite tout de même de son récit pour nous offrir encore une de ces ambiances fascinantes dont il a décidément le secret, utilisant sa mise en scène impeccable pour mettre en valeur ses acteurs, afin de nous faire ressentir tour à tour une angoisse profonde ou une émotion sincère devant le drame poignant qui se joue sous nos yeux. Angoisse et émotion se rejoignent toutefois dans un quart d’heure final incroyable où Wise nous tient tellement en haleine qu’on en oublierait presque de respirer.
Dommage que le court épilogue fasse retomber le film dans ses délires spiritualistes et dans son hindouisme de bazar, nous rappelant ainsi qu’Audrey Rose n’est malheureusement pas le chef-d’œuvre qu’il aurait pu être sans cela. Reste un superbe drame, parfaitement interprété et extrêmement marquant, mais pas assez fantastique pour convaincre tout-à-fait.