Never let me go est une adaptation d'un roman de l'écrivain japonais, anglais d'adoption, Kazuo Ishiguro dont l'oeuvre la plus connue reste "Les vestiges du jour" adaptée elle aussi mais par James Ivory.
Kathy, Ruth et Tommy sont des enfants "presque" comme les autres. A ceci près qu'ils grandissent dans la communauté d'un collège isolé et autarcique Hailsham.
De nombreux mystères planent sur cet établissement digne d'un pensionnat privé de la plus haute société. Suaf que les parents n'existent pas ici. Est-ce un orphelinat ?
Le film s'ouvre sur une Kathy adulte qui commence à se (nous) raconter et même le vocabulaire le plus simple est auréolé de mystère.
Que peut-il bien se cacher derrière les mots comme "accompagnant", "donneur", gardien"...

Auprès de toi toujours, est un roman d'amour, une fable d'anticipation, un drame humain comme j'en ai rarement lu.
J'ai vu le film de Mark Romanek après avoir rencontré les protagonistes à travers les mots de Ishiguro, tels qu'il les a construits.
J'y suis allée pour le couple Carey Mulligan (que je connaissais déjà de "Une éducation") et Andrew Garfield.
En quoi ce film est-il une renversante histoire d'amour ?
Tommy est un enfant à problème. Kathy l'aide comme elle peut, l'écoute, le soutient quand les autres se moquent...
Ruth est une pimbêche narcissique. Elle aime être désirée et voit en Tommy le compagnon idéal, faible et que l'on peut dominer facilement.
Elle le séduit malgré le lien qui unit ses deux meilleurs amis pour flatter son ego.
Lui croit l'avoir conquise alors qu'il ne lui sert que de faire-valoir, de passe-temps. Elle finit au seuil de la mort par reconnaître sa jalousie envers le lien très spécial qu'elle enviait. La faute de Tommy a été d'être trop aveugle pour savoir le garder intact, ne pas le trahir et le préserver. Il n'a pas réalisé l'importance d'une telle complicité et à privilégié la superficialité et la facilité.

Par là, le métrage s'impose comme un film profondément humain, qui touche au cœur de ce qui caractérise l'humain. Le profond questionnement éthique et philosophique présents dans le roman sont évidemment bien moins étayés ici mais il est bel et bien présent.
Je vais ici révéler des parties de l'intrigue qu'il serait bon que celui qui ne connait pas le dénouement ne devrait pas connaitre.
Ces trois créatures dont nous suivons le parcours vont progressivement révéler leur mystère.
Ce ne sont pas des êtres humains à part entière mais des créatures destinées à donner leurs organes. Ils doivent apprendre à se séparer de leurs organes vitaux, à mourir enfin. Ce ne sont que des objets utilitaires pour leur créateur. Avec eux, se pose la question de ce qu'est un être humain, de ce qui le définit. Les sentiments que l'on éprouve ? L'anatomie ? Comment vivre quand l'unique but de notre vie est de donner le plus possible, de survivre le plus longtemps possible aux mutilations infligées ?

Evidemment que le film n'est pas à la hauteur du livre. Est-ce exceptionnel ?
Bien sûr que certains seront déçus. Ceux qui l'ont lu de ne pas retrouvé l'ampleur des sentiments et ceux qui ne l'ont pas lu risquent de se retrouver perdus.
Un ami ayant vu le film sans lire le livre m'a demandé certaines précisons quand à certains mystères. Il voilait savoir comment ils étaient traités, expliqués dans l'oeuvre originale. La spécificité d'Hailsham, la galerie...
Il est vrai que la plume d'Ishiguro, faussement simple est d'un douloureuse efficacité pour ne pas épargner le lecteur en ne cédant pourtant au pathos à aucun moment.

Ce qui est sûr c'est que ce récit ancré dans l'Angleterre (la nôtre, celle que nous connaissons ou un univers parallèle ?) des années 90 interroge, dérange toute personne un tant soit peu à l'écoute du monde qui l'entoure et des autres. Il ne formule pas les question qu'il suscite chez le lecteur et c'est là que le film s'avère plus difficile à ceux qui ne l'ont pas lu.

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le 3 janv. 2015

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Rawi

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