Vers sa destinée
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Les cinéphiles et les amateurs du Premier Empire se plaignent souvent que Napoléon Bonaparte est un personnage sous-traité par le cinéma. En effet, le sujet est peu exploité, au regard de l'énorme potentiel dramatique et spectaculaire du personnage. Et pourtant, il y a ce « Austerlitz » de 1960, qui semble être mystérieusement tombé dans l’oubli collectif…
Abel Gance avait déjà réalisé une fresque muette sobrement intitulée « Napoléon », sortie en 1927. J’avoue qu’à ce jour, je n’ai pas encore eu le courage de m’y attaquer, celle-ci durant 5h30 ! Je me contente pour l’instant de ce film de 1960, qui en 2h50 balaye les années 1802-1805.
Une période riche, bien exploitée par un scénario très bavard. Car « Austerlitz » est, du moins dans ses deux premiers tiers, surtout un film d’intérieur. Tournage en studio, scénario focalisé sur des conversations politiques : on est presque plus proche du théâtre que du cinéma. Avec notamment des choix anti-cinégéniques de mise en scène. Telle cette affaire du duc d’Enghien en ellipse, ou le couronnement de Napoléon, dont on voit les préparatifs et qui sera finalement conté par un personnage secondaire !
Toujours est-il que les événements sont bien amenés, et bien exposés (à part peut-être la défaite de Trafalgar, à peine évoquée). Le scénario retranscrit la complexité et les changements de l’époque. Et, comme pour surprendre après deux tiers théâtraux, le film se veut plus épique dans sa dernière partie, couvrant évidemment la bataille d’Austerlitz. C’est moins spectaculaire que le « Waterloo » de Bondarchuk qui bénéficiait d’une immense armée de figurants, mais les morceaux de bataille valent le coup d’œil. Et les explications stratégiques sont agréablement détaillées.
Le tout avec de nombreux costumes soignés tout au long du film. Et une sacrée distribution. Inutile de tout lister ici, mais on peut dire que cela va de Jean Marais à Jean-Louis Trintignant, en passant par Claudia Cardinale, Jack Palance, ou Orson Welles ! Et bien sûr, le rôle de Napoléon confié à Pierre Mondy.
Si comme moi vous avez regardé en boucle la trilogie de la 7ème Compagnie dans votre enfance, voir le sergent-chef Chaudard incarner l’Empereur Bonaparte est tout de même incongru a priori. Néanmoins, Pierre Mondy livre une prestation aussi fine que surprenante. Napoléon est présenté comme mégalomane, têtu, népotique, colérique, homme à femmes, mais aussi excellent tacticien et politicien, garant des idées de la Révolution, et patriotique. Un mélange détonnant, que Pierre Mondy parvient surtout à exprimer de manière très humaine. L’acteur étant à aussi à l’aise dans les manœuvres politiques et militaires que dans les colères enflammées du général corse. Et l’on sent qu’il se fait plaisir à jouer avec les références historiques, et à clamer de célèbres phrases attribuées à Napoléon.
« Austerlitz » mérite donc de sortir de l’oubli dans lequel il semble être tombé, et prouve que le cinéma français (ou tout au moins européen) peut aborder Napoléon Bonaparte avec justesse quand il le veut.
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le 26 sept. 2022
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