𝐴𝑢𝑡𝑎𝑛𝑡 𝑒𝑛 𝑒𝑚𝑝𝑜𝑟𝑡𝑒 𝑙𝑒 𝑣𝑒𝑛𝑡 incarne le paradoxe fascinant d'un chef-d'œuvre esthétique et d'une œuvre moralement bancale. À la fois fresque grandiose et témoin de son époque, le film de Victor Fleming a traversé les décennies comme un monument du cinéma classique, mais aujourd'hui, il résonne d'une dissonance saisissante. D'un côté, il éblouit encore par sa mise en scène magistrale, des plans spectaculaires comme la fuite d'Atlanta ou l’iconique silhouette de Scarlett O'Hara face à la terre rouge de Tara. De l'autre, il porte en lui les stigmates d’une vision nostalgique d’un Sud idéal qui efface l’oppression systémique sur laquelle cette "civilisation" reposait.


L'esthétique du film, son audace technique, et la splendeur de certaines séquences lui confèrent un statut iconique. Pourtant, cette même œuvre est marquée par des failles techniques surprenantes pour une production de cette ampleur; des plans parfois flous, une lumière plate sur certaines scènes, et des moments où les acteurs eux-mêmes semblent errer dans leurs personnages, dont les brusques retournements de caractère manquent souvent de justification. Ces défauts laissent deviner l'envers du décor d'une production chaotique, partagée entre plusieurs réalisateurs et un David O. Selznick à la baguette, capable de grandeur mais aussi de maladresses notables.


Mais c’est surtout l’évolution de notre regard qui complexifie la réception d’𝐴𝑢𝑡𝑎𝑛𝑡 𝑒𝑛 𝑒𝑚𝑝𝑜𝑟𝑡𝑒 𝑙𝑒 𝑣𝑒𝑛𝑡. La sympathie envers Scarlett, figure emblématique du cinéma, se heurte à une réalité historique beaucoup plus sombre; l’élégie du Sud magnifié comme "terre de Cavaliers et de maîtres nobles" ne peut plus être lue aujourd'hui sans un profond malaise. La perte de cette "civilisation" évoquée en ouverture est traitée comme une tragédie, occultant la violence systémique de l’esclavage. Si le film nous hypnotise encore par son récit d’une femme acharnée à survivre , il éveille aussi des questions éthiques.

dosvel
6
Écrit par

Créée

le 20 sept. 2024

Critique lue 67 fois

39 j'aime

dosvel

Écrit par

Critique lue 67 fois

39

D'autres avis sur Autant en emporte le vent

Autant en emporte le vent
Gand-Alf
5

La mégère apprivoisée.

Avec sa flopée d'Oscars, son couple vedette mythique, son Technicolor rutilant, sa reconstitution qui envoie du bois, sa durée digne d'un feuilleton de l'été, "Autant en emporte le vent" est...

le 20 août 2014

88 j'aime

Autant en emporte le vent
Melly
10

"-Rhett, if you go, where shall I go, what shall I do? -Frankly my dear, I don't give a damn."

On pourra dire ce qu'on veut, il y a tout dans ce film: de grands acteurs pour une grande histoire, une reconstitution historique magistrale (en évitant quand même de trop montrer l'esclavage.. pour...

le 2 juil. 2012

51 j'aime

9

Autant en emporte le vent
dosvel
6

Le Vent Souffle Dans Deux Directions

𝐴𝑢𝑡𝑎𝑛𝑡 𝑒𝑛 𝑒𝑚𝑝𝑜𝑟𝑡𝑒 𝑙𝑒 𝑣𝑒𝑛𝑡 incarne le paradoxe fascinant d'un chef-d'œuvre esthétique et d'une œuvre moralement bancale. À la fois fresque grandiose et témoin de son époque, le...

le 20 sept. 2024

39 j'aime

Du même critique

Les Valseuses
dosvel
3

Ni Queue, Ni Tête

𝐿𝑒𝑠 𝑉𝑎𝑙𝑠𝑒𝑢𝑠𝑒𝑠 est un film qui me laisse profondément perplexe. Il s'agit probablement de l'un des films les plus vulgaires et stupides que j'ai pu voir, tout en étant incroyablement...

le 5 oct. 2024

50 j'aime

2

Beetlejuice Beetlejuice
dosvel
6

Déterrer Les Classiques

𝐵𝑒𝑒𝑡𝑙𝑒𝑗𝑢𝑖𝑐𝑒 𝐵𝑒𝑒𝑡𝑙𝑒𝑗𝑢𝑖𝑐𝑒 est une véritable boîte à jouets surchargée, où chaque minute, Tim Burton puise une nouvelle idée pour alimenter son univers macabre et fantasque. Il ne...

le 19 sept. 2024

50 j'aime

Babygirl
dosvel
3

Nicole est Frustrée, et moi aussi.

𝐵𝑎𝑏𝑦𝑔𝑖𝑟𝑙, ambitionne de plonger dans les profondeurs de la fascination qu'exerce l'apparence sur nos relations, en explorant le désir, la domination et les rapports de force dans une société...

le 10 janv. 2025

47 j'aime

5