A day without sex is a day wasted.
Vraiment, film coup de poing et véritable merveille que cet Auto Focus, qui se hisse immédiatement comme l’un des meilleurs travaux de Paul Schrader, qui n’en est plus à sa première collaboration à un chef d’œuvre (on lui doit Taxi Driver et son script maousse). Ici, tout son savoir faire est brillamment exploité, que ce soit dans le talent de son équipe technique (magnifiques décors, éclairages parfaits, savante utilisation de la photographie qui évolue avec le personnage…) que dans la peinture psychologique des personnages. Bob Crane, plein d’humour et façade polissée du catholique modeste ayant réussi (il est interviewé à ses débuts comme un exemple de morale), cache déjà une part inavouable, vaguement exprimée par l’achat de revues pornographiques mal dissimulées dans le garage familial. Malgré cela, son épouse, autoritaire qui influe énormément dans ses décisions, l’incite à se lancer dans sa carrière d’acteur (avec l’occupation que cela implique). Mais alors que le succès de la série éclate, et propulse Bob Crane sur le devant de l’affiche, ce dernier prend peu à peu ses aises, et se liant d’amitié avec John Carpenter, il commence à explorer avec lui les bars pour homme d’Hollywood. Des clubs branchés aux cafés strip tease, Bob se promène, prenant pour prétexte ses talents de batteurs pour animer les morceaux musicaux et aguicher quelques femmes seules. Commencent alors les partouzes privées où Bob et John racolent, et où ils immortalisent leurs performances avec le dernier cri des technologies vidéos.
Trouvant le parfait équilibre entre le comique décalé (la fascination du personnage pour les seins, son comportement libéré dans la société de l’époque…) et la psychologie subtile (Bob fait bien comprendre à John que c’est SA popularité qui attire les filles, le rabaissant souvent), le film cerne parfaitement ses personnages, et se révèle plutôt subtil là où l’omniprésence du sexe aurait pu paraître gratuite (la relation qu’entretient John envers Bob tend de plus en plus vers l’homosexualité, le fait de partouzer toujours ensemble semblant avoir beaucoup d’importance à ses yeux). Là où le film marque des points, c’est qu’il change régulièrement de points de vues, cernant le personnage de Bob dans son désir de s’affirmer par sa passion, puis en cernant peu à peu le vide. Là où pendant sa jeunesse, Bob se revendiquait comme libéré, on le retrouve la cinquantaine passée, ressassant les mêmes messages alors que plus personne ne l’écoute (l’image, désaturée et surexposée, ternit immédiatement son image). Il finit étiqueté comme dépravé, et ne peut dès lors plus que constater l’étendue de son échec marital (divorcé deux fois, incapable de discuter avec ses enfants…). Il ne lui reste plus que des espoirs de carrières, qui pour se faire, doivent passer par une amélioration de son image, et l’abandon du sexe, et par conséquent de John Carpenter. Toujours fulgurant dans l’illustration sentimental de ce duo aux obsessions triviales mais communes, Auto focus colle à la réalité avec un grand soucis de détail, et par sa sobriété se révèle être un des meilleurs traitements jamais effectués sur le sujet (avec Shame, plus maniéré, mais également plus axé sur la solitude avec Brendon). Foudroyant.