Le plus gros défaut d’Aux frontières de l’aube, c’est malheureusement sa fin, en total décalage avec son côté crépusculaire. Sponsorisée Herta, Badoit, ou Nutella, déformée par tout un tas d’incohérences qui n’ont d’autres buts que de tempérer la noirceur du tableau, elle n’est pas loin de gâcher à elle seule le film dans son ensemble. Mais lui accorder autant d’importance serait oublier la récréation sous acide qui compose les trois autres quarts de la bobine.
Offerte, qui plus est, par un duo de salopards qui ne vivent que pour relayer les mauvaises ondes. Évitez de croiser leur chemin, les copains Paxton et Bishop ne sont pas du genre à rigoler. Les deux bougres ont la canine facile quand il est question de se rassasier en sang chaud ! Leurs seules prestations font d’Aux frontières de l’aube un film à ne surtout pas manquer : l’apogée de leur performance étant une petite virée entre copains de beuverie dans un bar miteux où traîne du redneck bon à sucer —sic— . Paxton y est à son meilleur, en pleine représentation : le sourire se dessine à mesure qu’il sectionne les carotides. Une séquence à l’énergie contagieuse qui rappelle ce que peut être le cinéma quand il est force de proposition.
Mais c’est aussi à ce moment là, et un peu plus tard lorsque les balles traçantes apportent lumière et panique dans l’antre des chauves-souris, que Kathryn Bigelow confirme tout son potentiel, caméra au poing. Et même si le geste n’est pas encore mature —en témoigne le côté brouillon de la seconde scène justement, qui nait d’une idée géniale mais laisse en bouche un goût d’inachevé—, l’intention est bien là, l’énergie aussi. La caméra essaye de trouver sa place, y parvient parfois, manque de peu le coche le reste du temps. Car les mains qui la dirigent ne tremblent pas, les plans qui marquent la rétine se succèdent, provoquent un petit écarquillement de sourcils : pour modeler la lumière, jouer avec les silhouettes à contre jour et apporter dans l’obscurité une touche de couleur, Kathryn Bigelow impressionne.
Et finalement, cette petite défaillance dans le dernier geste fait d’Aux frontières de l’aube un film touchant, imparfait mais réellement enthousiasmant. On y sent une envie de faire plaisir, un sens du spectacle indiscutable et une vraie audace. C’est au moins le cas pendant une bonne heure d’antenne, temps pendant lequel la farce qui se joue à l’écran ne connaît que la couleur de la nuit. Quelle dommage de gâcher l’éclipse totale par un arc en ciel aux couleurs trop vives en jouant les toubibs de fortune spécialisés dans les peines de coeur.
Conseil appuyé de producteur ou bien peur d’être trop radicale alors qu’elle ne signe que son deuxième film, la réponse est certainement dans l’entre deux. Toujours est-il que le seul Paxton Show en mode Spring Break murderer fait que je suis tout disposé à pardonner l’errance finale. Histoire de ne garder en tête, de ce film de vampires pas comme les autres, que le panache de sa réalisatrice, qui offre à deux trognes habituées des seconds rôles, deux compositions particulièrement marquantes. De quoi finir la séance avec le sourire et c’est bien le principal.
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