Je pense qu’il y a trois catégories de spectateurs devant Avatar : ceux qui n’aiment pas, voir détestent le film, conspuant le scénario, le décrivant comme un mixte entre Pocahontas et les Schtroumpfs. Ensuite il y a ceux qui sont indifférents, estimant que le film navigue entre le bon (mise en scène, effets spéciaux...) et le moins bon (scénario, simplicité, manichéisme…). Et enfin, il y a ceux qui aiment le film et qui n’hésitent pas à le défendre contre vents et marées.
A sa sortie en 2009, bien évidemment comme 14 millions de français, je suis allé le voir, et ce en 3D. La claque était immense. Voir un film de cette ampleur à 12 ans, c’était quelque chose ! Puis le temps passant, progressivement je suis passé de la troisième catégorie à la seconde, étant totalement indifférent par rapport au film de James Cameron. Avant le visionnage de la version longue qui est à l’origine de cet avis écrit, je ne l’avais revu qu’une seule fois après sa sortie cinéma et j’étais beaucoup plus circonspect. Mais cette fameuse version longue (2h58) m’a remis sur le « droit chemin ».
Il semble tout d’abord important de revenir sur mon rapport avec James Cameron. Je ne suis pas un très grand fan du Monsieur. J’aime bien évidemment Terminator 1 et 2 sans être un fan inconditionnel de la franchise et j’aime beaucoup Abyss même si j’ai du mal avec la fin, trop naïve à mon goût. Là où le bat blesse, c’est avec Aliens et Titanic. J’ai du mal avec le premier parce que je le trouve trop orienté Action et de ce fait trop bourrin. J’estime que c’est une bonne suite à Alien puisqu’il réinvite finalement à sa manière la saga, mais j’ai du mal avec le film en lui-même. Pire je trouve même le mal-aimé Alien 3 de David Fincher plus intéressant. Quant à Titanic, je suis obligé de reconnaître que je n’aime pas du tout, quand bien même les grandes qualités du film (effets spéciaux, mise en scène, décors, enjeux…). Je ne suis pas un très grand fan de Roméo et Juliette de Shakespeare, alors un film qui reprend plus ou moins la même structure ne vas pas franchement m’intéresser.
Mais *Avatar* est tout autre. Peut-être le « chef d’oeuvre » de Cameron. C’est une grande fresque inspirée de nombres de mythes, de légendes, d’évènements historiques. C’est aussi un très bon exemple du type de film que j’appelle « blockbuster d’auteur », c’est à dire un film à gros budget dont le but est de divertir le plus de gens possible, tout en développant des thématiques propres au réalisateur durant l’ensemble du film. Steven Spielberg ou encore Peter Jackson font partie de ce genre de réalisateur. Et *Avatar* (mais aussi *Star Wars*, *Indiana Jones*, *Le Seigneur des Anneaux* et maintenant *Mad Max Fury Road*) semble dorénavant être une sorte de porte-étendard de ce « mouvement ». Réussissant à faire la synthèse entre divertissement, émerveillement, grandiose et intelligence, *Avatar* met une claque à une industrie hollywoodienne empêtrée dans la surenchère et la bêtise et qui semble avoir son pied constamment bloqué sur l’accélérateur.
Si *Avatar* est une réussite, le film le doit déjà beaucoup pour son côté révolutionnaire. En terme d’effets spéciaux, *Avatar* est toujours aujourd’hui indétrôné. Seule la nouvelle trilogie de la *Planète des Singes* semble pouvoir titiller le bijou de James Cameron sur le plan de la motion capture. Mais ces effets spéciaux révolutionnaires et brillants ne le sont pas seulement dû à la qualité de la motion capture. C’est l’ensemble qui est concerné. Aussi bien les environnements/décors, notamment la jungle bluffante de réalisme ou encore l’utilisation de la lumière, produit par l’environnement avec ces magnifiques tonalités de bleu. Esthétiquement parlant, *Avatar* est une magistrale claque. Mauro Fiore n’a d’ailleurs pas volé son Oscar pour la photographie, puisqu’il rend un travail absolument remarquable. Idem pour la direction artistique, à la fois terne, morne et fainéante du côté humain et radieuse, coloré et simple du côté Na’vi. Enfin, James Cameron est définitivement un très bon metteur en scène, parsemant le film d’incroyables scènes, notamment de combats ou encore de chasses, tout en faisant de bons choix de montage, comme le cut lors de la scène de capture du Toruk, nous évitant une redite de la scène où Jake dompte son ikran. Il faut aussi revenir sur la composition du regretté James Horner. Si on repère facilement les réutilisations d’anciennes partitions de Horner, telles celle d’*Aliens*, de *Troie* et surtout celle du *Nouveau Monde*, l’ensemble est très agréable et s’insère bien avec le film.
Il nous faut maintenant revenir sur le côté scénaristique et thématique d’*Avatar* qui fait débat. Si effectivement le récit n’est pas dénué de faiblesses, l’ensemble pourtant est franchement solide. Les personnages ainsi que les dialogues sont biens écrits. L’univers et les enjeux sont très bien exposés. Bref tout est bien agencé ! On regrettera cependant des personnages un poil caricaturaux ainsi qu’un certains manichéisme, notamment présent dans le personnage du Colonel Quaritch. Je ne suis pas très fan de cette dualité entre l’homme brutal et vicieux et l’innocent Na’vi, entre les corporations capitalistes et la nature vierge. Le monde et l’homme sont beaucoup plus complexes que ça, et cela me dérange un peu que le film tombe dans ces travers. Ce qui sauve pour moi le film, est finalement dans le fait que cette dualité et ce manichéisme ont un intérêt thématique plus large. *Avatar* est fortement empreint de psychanalyse et la lecture en complémentarité du *Héros aux milles et un visage* de Joseph Campbell apporte une autre vision du film. On retrouve bien évidemment le fameux monomythe (rendu célèbre par *Star Wars*) et l’accomplissement progressif du Héro et de l’Humanité, mais surtout on retrouve la constitution de toute une mythologie Na’vi finalement assez humaine. Les Na’vi apparaissent alors comme une facette de l’homme. Enfin l’inconscient et plus globalement la psyché humaine sont toutes aussi au coeur du film (je renvoie d’ailleurs à la vidéo de Mr. Bobine sur le film qui est beaucoup plus complète sur ce sujet). Tout ce sous texte psychanalytique donne de la consistance à la fois au récit et au film tout entier. Et les défauts paraissent de ce fait moins lourds.
Alors ça n’en fait pas pour autant un chef d’oeuvre, mais ça montre surtout que James Cameron est un auteur à part entière, disposant de thématiques et d’obsessions qui lui sont propres. Tout comme George Lucas et George Miller, Cameron fait parti de ces réalisateurs créateurs de mythes et de légendes. Notre société moderne a pris soin de détruire tous ces contes et légendes qui ont constitué pendant très longtemps les histoires, les réponses à certaines questions et les morales de nos civilisations. Dans une période qui ne croit plus en rien, des film comme *Avatar*, héritiers de ces mythes antiques, font du bien. Si *Star Wars* était le mythe, le conte du XX° siècle, *Avatar* et potentiellement ses suites semblent dors et déjà constituer le mythe du XXI°. Et Dieu que j’ai hâte de voir la suite !