Ridley Scott est sans aucun doute un des plus grands réalisateurs actuels et un des rares réalisateurs hollywoodiens à faire toujours des films de qualités, mais surtout des films personnels. A l’instar de Scorsese et de Clint Eastwood, Ridley Scott a des obsessions, des thématiques qui lui sont propres. Et The Counselor (oublions la malheureuse traduction française) est, pour sûr, un de ses films les plus personnels, les plus aboutis et si j’ose dire un de ses meilleurs !
Et pourtant, c’est aussi l’un des plus boudé de sa longue carrière. Mais quand on s ‘intéresse un peu à la carrière de Scott, on voit qu’il est boudé tout court ! Mise à part Alien (film d’horreur donc facilement accessible), Blade Runner (dont il a fallu attendre près d’un quart de siècle pour qu’il soit reconnu à sa juste valeur), Gladiator (le plus accessible de ses films et tous le monde aime les péplums) et Seul sur Mars (un film « cool »), tous ses autres films sont soit délaissés soit, pire, détestés (notamment Prometheus). The Counselor fait, je pense, partie de la deuxième catégorie, sans doute à cause d’une incompréhension générale ! En effet, The Counselor semble à contre courant du système hollywoodien et n’hésite pas à laisser sur le carreau le spectateur qui ne se concentre pas ou ne s’immerge pas totalement dans le film.
Scénarisé par Cormac McCarthy (surtout connu pour avoir écrit La Route), The Counselor est une pépite d’écriture. Les dialogues sont succulents et chaque phrases est millimétrés au possible et font mouche tout au long du film. C’est sans doute la très grande qualité de McCarthy, celle de sortir une phrase/dialogue incroyable là où on ne l’attend pas ! Mais si il n’y avait que ça, The Counselor ne serait pas un chef d’oeuvre. L’autre grande qualité du film est son intrigue, celle de la chute en enfer du protagoniste principal joué par un impeccable Michael Fassbender (qui tient avec Ridley Scott sans aucun doute ses meilleurs rôles). Cette chute en enfer provoquée par la cupidité et le désir. C’est là tous le centre du scénario, dépeindre un univers profondément corrompu par les vices de l’humanité. L’ensemble des protagonistes font partie de ce même tableau. Que ce soit le counselor ou Reiner (joué par Javier Bardem) qui sont tous les deux dirigé par leur cupidité pour pouvoir espérer garder leur bien-aimé ; Westray (joué par l’excellent Brad Pitt) qui est totalement cynique et bien évidemment le personnage de Cameron Diaz (qui trouve ici son meilleur rôle) totalement contrôlé par ses pulsions de prédatrice, de chasseresse ! Seul peut-être le personnage de Pénélope Cruz semble épargné et pourtant elle est tout aussi cupide. The Counselor est donc une œuvre profondément misanthrope et nihiliste, qui s’insère parfaitement dans la carrière de Scott.
Côté technique, rien à redire. Le tandem Scott-Dariusz Wolski fonctionne à merveille et est un des duo les plus intéressant (avec Eastwood-Tom Stern ou encore Malick-Lubezki). Scott est toujours un formidable compositeur d’image et de plan et la photographie de Wolski, terne et froide permet de dépeindre excellemment la ville de Juarez et ses alentours, profondément marquée par la criminalité, le vice, la drogue et la pourriture !
Au niveau de la musique, Daniel Pemberton signe sans aucun doute, une des bandes originales les plus abouti du millénaire et montre qu’il faudra compter sur lui ans les années à venir (sa composition de All the Money in the World est excellente).
Comme dit précédemment, The Counselor est une œuvre à contre-courant d’Hollywood. C’est typiquement un film qui aurait pu s’insérer dans le Nouvel Hollywood, puisque le film fait la part belle à des personnages ambigus et profondément instable. De plus, il n’y a que peu d’action et le film demande au spectateur de rester concentré pendant les 2 heures au point d’être irrémédiablement mis sur la touche si il échoue. C’est sans doute à cause de cela, que le film est boudé par le public, voir même par les critiques et j’espère qu’il sera réhabilité à sa juste valeur dans les années à venir.