J'ai vu ce film juste après sa première sortie, en streaming sur mon ordinateur de l'époque et, aujourd'hui, je regrette d'avoir fait une telle chose. En effet, après l'avoir revu au cinéma, je peux affirmer en toute honnêteté qu'il est fait pour y être vu dans ce lieu, non seulement pour apprécier le procédé de la 3D qui lui est presque nécessaire (contrairement à bien d'autres), mais aussi pour en saisir toute l'essence. Qu'est-ce que je veux dire par là ?
Dans un premier temps, ce n'est qu'en étant confortablement installé dans son fauteuil rouge qu'on peut être au cœur de la trame. Si l'on regarde de plus près les procédés de narration mis en œuvre, nous voyons l'action à travers le regard du personnage principal, Jake Sully (Sam Worthington). Il n'est qu'à se reporter aux scènes de téléportation dans les corps des Na'vi clonés où nous percevons les décors de Pandora à travers ses propres yeux. Il y a ici une forte analogie entre ce personnage principal et le spectateur lui-même, puisque comme celui-ci, nous sommes immobiles (autant que faire se peut) et nous découvrons un nouveau monde. On voit très bien que la vie d'un Na'vi est bien plus intense, plus aérienne et dense que celle des humains. Voltiger à travers les arbres, chevaucher des créatures terriennes ou célestes sont leur quotidien, ce qui excite Jake dans ses premières expériences (ou l'effraie). C'est seulement avec la 3D que le spectateur peut comprendre cette expérience exceptionnelle qui s'offre à lui en même temps qu'au personnage principal.
Ce même procédé nous invite aussi, comme ce dernier, à nous poser la question de l'identité personnelle. Qui suis-je ? Un corps unique ? Un esprit qui navigue entre mon corps et le monde ? Si Jake finit par se sentir davantage lui-même dans son corps de Na'vi, le spectateur qui a l'habitude de s'oublier complètement au cinéma (combien de fois vous êtes-vous seulement souvenus qui vous étiez à la fin du film, ce que vous faisiez ici, dans ce siège, alors même que, quelques minutes auparavant, vous étiez ce personnage, en proie à un dilemme terrible ?) peut aussi se poser la question.
Nombreuses sont les références à des créations antérieures dans ce film. On a bien sûr Pocahontas pour l'intrigue : un jeune colon blanc qui finit par renier son camp occidental pour embrasser une vie plus en accord avec la nature dans les bras d'une indigène. EXistenZ de David Cronenberg pour les allers-retours entre deux mondes (réel-virtuel ou humain-Na'vi). Des airs d'Apocalypse Now dans les répliques et la détermination du colonel Miles Quaritch (Stephen Lang). Peut-on aller jusqu'à dire qu'il y a de la Guerre des étoiles dans les paysages naturels et les antagonismes ?
Le seul reproche qu'on pourrait faire à ce film, c'est qu'il repose sur une intrigue somme toute assez simple, voire usée. Comme avec un navet, on voit très vite les tenants et les aboutissants ; le dilemme de Jake, ses trahisons, ses amours et les affrontements à venir.
Il n'en demeure pas moins que ce film est aussi très précurseur. Sans parler de son actualité écologique (différentes visions de la nature s'entrechoquent et provoquent un dérèglement global), la figure de la femme présente des traits bien modernes. Entre les personnages incarnés par Sigourney Weaver (Dr Grace Augustine), Zoe Zaldana (Neytiri) et Michelle Rodriguez (Trudy Chacon), on découvre une présence féminime bien affirmée, forte et même dominatrice. Certes, le mythe de l'Amazone qui y apparaît en filigrane ne date pas d'hier, mais y a plus que cela. Ces trois femmes séduisent et sont en même temps tout ce qu'il y a de plus semblable avec un homologue masculin.
Il y aurait encore bien des choses à dire à propos de ce qui est désormais devenu un mythe moderne et dont on attend avec impatience la suite. Pour toutes ces raisons, allez voir et revoir Avatar en 3D, au cinéma.