Ces lignes sont comme des pierres dans mon cœur...

Bon, d’emblée, il apparaît inutile de rappeler que nous nous apprêtons à revenir sur la suite d’Avatar sorti 13 ans auparavant, que sa sortie était l’un des événements les plus attendus de cette année 2022 (faut croire que c’est rater du coup..) ou encore de retracer la genèse de sa réalisation car cela a été, j’en suis sûr, dit, redit et reredit dans les quelques centaines de critiques publiées sur des sites tel que celui-ci. En revanche, ce qui apparaît nécessaire de souligner (et ce à mon grand regret) c’est à quel point cette suite est peu inspirée.


Il peut, en effet, être soutenu que James Cameron a surestimé la notoriété de sa saga, qui était réduite jusqu’ici à un seul et unique film et qui reposait sur la promesse d’un ensemble de quatre autres métrages, en tirant trop sur la corde nostalgique du spectateur. Cela se ressent particulièrement avec le schéma narratif de la Voie de l’Eau qui est, en grande partie, calqué sur celui du film de 2009 en nous resservant, non pas seulement un conflit opposant les Na’vis et les Hommes, mais une confrontation menée par les deux mêmes opposants, ce qui a pour effet de desservir le pan visant à étendre les frontières de Pandora : après les forêts des Omaticaya (dont la faune et la flore sont réduites à quelques panthères et autres lézards volants déjà vus dans le premier film), place aux rivages des Metkayina, la tribu auprès de laquelle la famille de Jake, en exil suite au retour des marcheurs de ciel sur Pandora, va apprendre la fameuse voie de l’eau. Difficile de préciser davantage de quoi il s’agit, si ce n’est qu’il est question de souffle et d’harmonie avec le milieu aquatique… Autant dire que cette extension de l’univers Avatar (nom qui risque, au passage, de perdre peu à peu de son sens au fur et à mesure que progressera la saga, à l’instar des Animaux Fantastiques) ne sert nullement à l’histoire (si ce n’est d’ajouter un badge Pokémon supplémentaire à la collection Sully), sans compter que l’arrivée des protagonistes principaux fraîchement débarqués chez leurs voisins donne lieu à des séquences qui sonnent bien trop familières (la partition de Simon Franglen, qui est identique à celle du regretté James Horner, n’arrange rien sur ce point).


On en profitera ici pour mentionner la pauvreté du développement de la langue des Na’vis, ces derniers parlant tous la langue de Shakespeare car Cameron, malin comme il est, désamorce très tôt la question en expliquant que Jake ne distingue plus sa langue maternelle de celle du peuple qui l’a adopté. Manque de bol, le dernier Toruk Makto est quasiment absent du film : l’astuce proposée pour ne pas avoir un film qui reposerait trop sur les sous-titres ne tient donc qu’à moitié… Ainsi, à l’exception de quelques "mawey" et "skxawng" déjà entendus dans le premier volet, le vocabulaire n’est pas des plus foisonnants. De même pour le folklore des habitants à la peau bleue de la planète : le concept des perles qui introduit et conclue le film ou encore celui des éclipses apportent si peu que l’on en vient à se demander s’ils ont une réelle utilité. Seules les baleines apportent, à ce niveau, un peu de nouveauté concrète et utile (baleines qui ont fait complètement oublié aux Hommes l’unobtanium, le minerai pourtant tant convoité dans Avatar…), même si peu originale tant les séquences avec Lo'ak évoquent Sauvez Willy.


Faire mention du cadet de la famille Sully permet de revenir sur la composition de celle-ci : si l’on met de côté les parents, qui passent leur temps à faire la leçon à leurs enfants, un grand frère au temps de présence limité, un cadet qui cherche à faire ses preuves et la petite dernière, gentille mais pas franchement utile (du moins dans ce volet), la fratrie compte également Kiri, l’enfant miraculeux dont les origines sont aussi étranges que celles d’Anakin Skywalker de Star Wars, et Spider, le rejeton plot twist de Quaritch. Contre toutes attentes (ish), ce dernier revient d’entre les morts pour prendre sa revanche sur le leader de la révolte Na’vi : Stephen Lang, qui s’essaye à la motion capture pour l’occasion, devient donc le Terminator de Pandora, en somme... Malheureusement, son retour est à double titre raté étant donné que sa pseudo relation avec Spider ne fonctionne pas et, comme évoqué plus haut, il contribue grandement à l’impression de voir de nouveau le premier film. Que l’on s’entende : Quaritch était un antagoniste efficace dans Avatar mais son retour dans la Voie de l’Eau était loin d’être indispensable et, pire encore, rend nul les enjeux de cette nouvelle confrontation (notamment si d’autres copies du colonel ont été faites), laquelle risque de s’étendre a minima jusqu’au troisième film… Nous pouvons faire preuve d’une plus grande indulgence quant au retour de Sigourney Weaver, bien que celui-ci interroge compte tenu de la différence d’âges entre l’actrice et le personnage qu’elle incarne (un petit avant goût de la redéfinition des frontières tenant à l’attribution des rôles au cinéma ?) : il n’y a plus qu’à espérer que les suites sauront exploiter à bon escient cette autre rejeton (plus biologique que le premier).


En guise de conclusion, je tiens à m’excuser pour le titre de ce papier au combien dramatique mais, en tant que fan d’Avatar, je ne m’attendais pas à sortir de la salle à ce point désemparé : celui qui avait, par le passé, réalisé Aliens et Judgement Day et qui s’était permis, plus récemment, de critiquer les productions Marvel et DC pour leur manque de sensibilisation à la dimension familiale de leurs histoires, nous propose une attraction (preuve à l'appui en images tout droit sorties du Futuroscope) qui repose essentiellement sur la forme et qui mêle impressions de déjà vu (on a même droit à une séquence finale qui emprunte tantôt à Abyss, tantôt à Titanic) et teen movie qui nous fait frôler le grincement de dents... En espérant que Cameron réussisse à rectifier le tir avec les suites et (surtout) qu'il n'ait pas les dents trop longues ! 4/10 !

vic-cobb

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10

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