Ô cher cinéma, si morose par les temps qui courent, apporte-moi de bonnes nouvelles. Ne me dis pas que mon destin est d’aller voir le nouveau Alvin et les Chipmunks, à l’instar de ces infortunés grand-parents qui font la queue devant moi, accompagnant des marmots enthousiastes confiés par des parents occupés. Heureusement non, je tombe sur une très belle affiche, illustrée par un très beau casting, qui plus est, dirigé par les frères Coen. Voilà donc un petit événement cinématographique dont on ne m’a pas fait part ? Qu’à cela ne tienne, dussé-je être le seul dans la salle, j’irai. Ave, Cesar !
De ce que j’en savais, le film proposait de nous immerger dans le cinéma des années 1950, celles du grand Hollywood, à l’origine d’immenses productions. En plein rêve américain, l’industrie du cinéma est la figure de proue d’un navire bourré de trésors qui font jalouser les voisins. Explorer ses coulisses soixante ans après, grâce à des réalisateurs de renom, était donc une fabuleuse opportunité, surtout avec un casting aussi prestigieux.
L’espoir. C’est à l’espoir que je m’accrochais avant le visionnage du film, et tout au long de la séance. Hélas, ma détermination s’est émoussée au fil du temps, entravée par de perpétuels questionnements quant au but réel que souhaitent atteindre les frères Coen dans Ave, César ! Je ne pense pas être stupide, néanmoins je reste un spectateur assez terre à terre qui, bien que ne rechignant jamais à vivre quelques expériences cinématographiques singulières pour aiguiser mes sens et ma culture, a besoin d’un fil conducteur bien précis me menant d’un point A à un point B, me donnant le sentiment du travail accompli, et d’avoir fini quelque chose.
Nul doute que ce n’était pas le propos d’Ave, Cesar ! Quand les promesses sont grandes, l’attente l’est tout autant, et c’est là où, encore, nombre d’entre nous ont pêché. Si la photographie du film est impeccable, régalant nos yeux, et que le casting nous permet de nous plonger dans une ambiance familière, c’est bien là les seuls éléments auxquels vous pourrez vous accrocher durablement. Mon principal reproche fait à ce film concerne son manque de cohérence, son aspect décousu. Enchaînement et enchevêtrement d’histoires secondaires, Ave, César ! finit par totalement éluder son fil conducteur, lequel s’avère dérisoire, voire négligeable.
Cette frustration se combine à un casting qui s’avère, au final, presque trop fourni, ne réduisant le rôle d’excellents acteurs (je pense notamment à Ralph Fiennes) qu’en simple caméo. En voulant traiter un sujet vaste par un procédé d’immersion, le film s’égare, s’éparpille, et perd son spectateur, qui se demande, au final, où les réalisateurs souhaitent aller, pour à la fin comprendre qu’il n’y a pas de réel but. Cruelle résignation face à un si beau projet.
Si j’étais le seul à me faire ces remarques, je me serais posé des questions, mais il semblerait que ce n’est pas le cas. Malheureusement trop irrégulier, Ave, Cesar ! enchaîne différentes petites scènes, dont certaines, il faut le reconnaître, sont délicieuses. Mais à chaque fois, la dynamique positive dans laquelle on est entraîné s’interrompt lorsque l’on se demande « ah, c’est vrai, on est censé parler de quoi, déjà ? » On décortique, mais on ne parvient pas à trouver le sens caché.
Que cherchent à dire les frères Coen ? Exhiber la face cachée du cinéma à l’époque de l’âge d’or d’Hollywood ? Traiter de la guerre idéologique entre les Etats-Unis et l’URSS ? Sensibiliser les spectateurs sur le fait que les acteurs ne sont pas des héros, mais des êtres soumis à de nombreuses sources d’influence ? En réalité, le film traite tout cela, mais ne fait jamais preuve de clarté, s’avérant paradoxalement très simpliste dans son apparente complexité, dans le sens où toutes ces idées semblent nous être jetées à la figure sans traitement argumenté ni soigné.
Le film n’est pas bien long (1h46), pourtant il se permet des passages rallongés, presque superflus. Oserais-je parler de remplissage éhonté ? Même si je ne suis pas un inconditionnel du cinéma des frères Coen, au vu de leur présence derrière la caméra, et de ce qui était affiché, je misais quand même pas mal sur ce film. Preuve donc, que ce qui compte, ce ne sont pas les ingrédients, mais la recette. Je suis sorti de la salle avec un sentiment de frustration, combiné à un goût d’inachevé. Une frustration d’autant plus grande que j’ai l’impression que ça aurait pu être bien, bien mieux. Face à une telle incertitude, je ne peux être trop médisant concernant ce film, mais je pourrai encore moins m’emporter, alors je coupe la poire en deux.