Disons le d'emblée: J'adore le cinéma des frères Coen (même s'il me reste certains de leurs classiques à voir !)
Ce "Ave, Cesar !", je l'attendais. Beaucoup. Peut être trop. Le non-sens absolu qui se dégageait de la bande annonce et le casting en or massif (Georges Clooney, Josh Brolin, Scarlett Johansson, Ralph Fiennes, Tilda Swinton...) m'avaient vraiment mis l'eau à la bouche. Et pourtant, une petite voix à l'intérieur de ma tête me mettait en garde: "Tout ce beau monde, c'est un peu trop beau pour être vrai, non? Pis avec tout ce délire, les fréros se caricatureraient pas un peu?"
Et dans un sens, cette petite voix avait raison.
Je fais le parallèle entre ce film et le dernier Tarantino, "Les Huit Salopards" (Dieu que cette traduction est mauvaise...), que je critiquerai d'ailleurs prochainement. On a un exemple de deux réalisateurs (enfin, un tandem et un réalisateur solo) avec un univers tellement reconnaissable, des gimmicks si particuliers, que le risque de l'auto-caricature plane souvent au dessus de leurs têtes.
"Les Huit Salopards" a, selon moi, atteint ce point. Pour "Ave, César !"... c'est plus compliqué.
Bon, c'est pas tout ça, mais elle arrive quand cette critique?
Le film se déroule à Hollywood, dans les années 1950, sur un fond de Guerre Froide.
Le personnage principal, incarné par Josh Brolin, est un "fixer", employé par Capitol Records pour s'assurer que tout tourne bien dans les studios, qu'aucun scandale ne peut être ébruité, que les films tournés sont conformes aux canons idéologiques et religieux de l'époque... Bref, pour éviter les vagues.
Il se rend donc de plateau en plateau, discute avec les réalisateurs, échange avec certains comédiens, s'enfuit à l'approche de la presse.
Et ce personnage sera en fait le seul lien entre les différentes sous-intrigues proposées par le film (l'intrigue principale étant l'enlèvement d'un acteur célèbre incarné par Georges Clooney et une demande de rançon).
Voilà pour le synopsis. Qu'est-ce que ça donne dans les faits? Quelque chose de très spécial.
On aimerait se laisser aller à la simplicité et penser que les Coen avaient l'ambition de faire un "film chorale", un peu à la manière d'un "Pulp Fiction", d'un "Snatch", ou encore d'un "Sin City", et on pourrait alors dire très franchement que c'est raté.
L'intrigue concernant Clooney est présentée d'emblée comme bien plus importante que les autres, certains acteurs apparaissent à peine, on ne s'investit absolument pas dans certaines histoires (celle de Johansson, notamment). Mais passé ma première déception et avec un peu de réflexion, je ne pense honnêtement pas que ce soit le but visé.
Ce qui apparaît fortement, c'est la satyre d'Hollywood, de sa "pudeur" hypocrite. A ce niveau là, une des premières scènes où Brolin rencontre des dignitaires religieux de plusieurs confessions pour avoir leur avis sur la représentation du Christ dans l'un des films du studio ("Avé, César !", donc) est totalement délirante.
Mais est-ce que la critique est le but premier du film? Assurément pas.
Selon moi, le film présente des tranches de vie sur les plateaux, dans la vie privée des artistes, à travers le personnage de Brolin. C'est une sorte de "film à sketchs", plus qu'un ambitieux "film chorale".
Est-ce que ça marche? Est-ce qu'on rit? Absolument. Fort, et pas qu'une fois.
Est-ce que cela nous empêche de vraiment rentrer dans le film? Voir nous pousse à l'ennui? Oui, également.
Sans spoiler, l'humour faisant appel à la mise en abyme est omniprésent, mais savamment utilisé, et il frappe quand on s'y attend le moins. Si le personnage de Ralph Fiennes n'apparaît que quelques minutes à l'écran, il nous gratifie d'une des scènes les plus comiques du film. De même, Clooney, en décalage complet avec ses ravisseurs et leurs motivations, nous fait rire par sa simple présence, presque sans prononcer une parole. Le film se repose sur une répétition du comique de situation, et sur le personnage ambigu de Brolin que j'ai personnellement trouvé très réussi et attachant.
Alors pourquoi ai-je parlé plus haut d'"auto-caricature"? "Auto-citation" serait en fait plus exact. Les Coen puisent dans leur filmographie sans jamais aller au bout de leur délire dans l'utilisation des références. Pas clair? C'est normal.
La scène où Scarlett Johansson apparaît, par exemple, nous rappelle les délires visuels du "Big Lebowsky", mais n'en a pas l'intensité, et ce n'est sans doute pas le but. Clooney s'improvise vaguement "érudit" comme dans "O'Brother" sans que le personnage soit approfondi.
Pour autant, on a pas l'impression que les Coen se tiennent à un "cahier des charges", il n'y a rien de malhonnête là dedans. C'est un simple constat.
Au final, qu'est ce que c'est que cet objet, cet "Ave, César !" ? On ressort de la salle assez désorienté.
On a ri, on s'est ennuyé, on s'est interrogé, et en y réfléchissant après coup, on entrevoit même le film comme une sorte de fable. Les personnages de Brolin et Clooney, par exemple, trouvent une sorte de "rédemption" à travers cette aventure burlesque. Le thème du Religieux est omniprésent, à la fois dans le film "Ave, César!" tourné par Capitol, mais aussi dans le film des Coen. De là à dire que c'est un fil conducteur qui mérite réflexion, il n'y a qu'un pas que je ne franchirai pas.
J'ai été déçu. Le film ne ressemblait en rien à l'image que je m'en étais fait. Mais les Coen m'ont proposé autre chose, imparfait, parfois fulgurant d'intelligence, parfois vain.
On peut tout reprocher à ce film mais pas le charme fou qu'il dégage.