Peut-être l'appréciation d'Avengers dépend-elle de la familiarité du spectateur avec l'univers Marvel. Dans ce cas, autant vous dire toute suite que je n'en ai jamais lu la moindre BD (honte à moi). Quoi qu'il en soit, c'est donc en toute ignorance de cause que je me suis assise aujourd'hui dans la salle obscure, pour une séance en 3D s'il-vous-plaît. Et si j'appréhendais la 3D, elle n'est finalement pas trop mal passée, plutôt bien même étant donnée mon intolérance habituelle à ce procédé cinématographique : parfois inutile, elle n'est jamais vraiment dérangeante.
Le film s'ouvre sur une séquence assez sombre. Les humains, aussi faibles soient-ils, constituent et défendent jalousement dans un cube cosmique une source d'énergie dont on pressent bien qu'elle les dépasse. Et pour cause : très rapidement, une activité anormale est détectée et Loki (demi-dieu et frère de Thor) sort par un portail ouvert par le cube en question, le dérobe, non sans tuer ou enrôler de façon maléfique quelques membres de l'équipe en charge.
Je dois vous l'avouer, ce début ne m'a pas enchantée. La scène inaugurale ouvre le film sur un noeud assez classique, sur un objet convoité par tous, mais la première bataille autour de ce trésor m'a parue assez quelconque et abrutissante, pas distrayante pour deux sous.
Mais à mesure que le film avançait, j'ai mieux compris le statut particulier de cette scène : si le film commence avec une certaine lourdeur, c'est tout bonnement parce que le combat lui-même est difficile, enlisé dans l'impuissance des efforts humains face à Loki et à l'armée extra-terrestre qu'il s'est constituée.
Il faut donc former un groupe de défense, celui des Avengers, pour affronter cet ennemi surhumain. C'est alors qu'on découvre avec régal ce qu'on est tenté d'appeler "le vif du sujet" : les uns après les autres, et quels que soient leurs différences et leurs différends, les Avengers vont être intégrés bon gré mal gré dans une équipe de riposte. Mais l'intérêt du film est bien loin de résider dans l'exploit du groupe constitué vite fait bien fait. Le défi, c'est avant tout de passer de la dispersion à l'esprit d'équipe. Car les Avengers connaissent finalement assez bien les faiblesses de Loki : Thor, parce que c'est son frère ; Fury, parce que c'est le cerveau, et qu'en mettant au point le cube cosmique il savait qu'il fallait voir plus loin ; Natasha Romanoff, alias la Veuve Noire, parce que son pouvoir, c'est en grande partie de savoir faire dire à ses ennemis ce qu'elle a besoin de savoir.
C'est là que le film atteint ses limites : face à une telle équipe, le "Nemesis" se doit d'être à la hauteur. Or ici, Loki est quelque peu décevant. Certes, on sent bien sa haine, ses complexes, son discours né de la frustration. Mais Tom Hiddleston campe un Loki exagérément fuyant, jusque dans son physique : mince, hâve, pâle, il contraste de façon frappante avec le solaire Thor, sans incarner un ennemi vraiment original. On est presque tenté de l'excuser tant on imagine comme ce vilain petit canard a dû souffrir de la comparaison avec son demi-frère : il le dit lui-même, d'ailleurs ; mais finalement, ce n'est pas un méchant révolutionnaire auquel on est confronté. Face à une bande aussi charismatique (je pense surtout à Mark Ruffalo et à Robert Downey Jr qui donnent ou redonnent leurs lettres de noblesse respectives à Hulk et à Iron Man), Loki ne fait donc pas tout à fait le poids, abusant du "sourire machiavélique" dont on se serait passé. D'ailleurs, il est tout de même étrange qu'un "bon coup sur le tête" suffise à mettre fin au contrôle qu'il peut exercer sur ses victimes. Ses motivations même sont floues; et c'est bien dommage car quelques pistes plutôt intéressantes sont lancées à l'occasion de son discours adressé aux mortels.
Le film reste néanmoins un excellent divertissement. Tôt ou tard, on finit par se prendre au jeu. Pour ma part, le déclic s'est produit lors de la scène à l'opéra de Stuttgart (une de mes préférées), pleine d'humour, et illustrée par une musique d'abord classique lorsque le mauvais coup se prépare, puis par un hard rock optimiste et volontairement (je crois) un brin désuet avec l'arrivée de Captain America. Dans l'ensemble, les scènes d'action sont claires (ce qui peut sembler une évidence, mais n'est pas toujours le cas). Bien menées, elles sont de mieux en mieux rythmées à l'instar des efforts des Avengers de plus en plus coordonnés, et donc de plus en plus puissants, au point de faire la nique au Conseil (car il faut bien une assemblée de vieux rabats-joie dans le camp des héros pour leur couper l'herbe sous le pied... ou du moins essayer). Ainsi, si par exemple la scène de l'attaque du vaisseau est un peu longue, elle n'en est pas moins intéressante puisqu'elle met en scène les déchirures internes aux Avengers : Burton-Hawkeye est sous l'emprise de Loki, et c'est donc à contrecoeur que Romanoff, qui a une dette envers lui, doit le combattre ; quant à Hulk, ne contrôlant pas sa colère, il met en péril l'ensemble de son équipe, ce qui oblige Thor à l'affronter alors même qu'il est dans son camp.
Le cours de l'histoire met donc en scène des rapports assez complexes entre des personnages qui ne sauraient être réduits à des super-héros. Car leur nombre permet d'éviter les écueils du genre, comme de s'appesantir sur une histoire d'amour malvenue ou de se lancer dans des réflexions métaphysiques de bas-étage. Whedon semble d'ailleurs prendre acte de la distance nécessaire pour adapter judicieusement leur univers : c'est surtout lorsque la sécurité de civils est en jeu que la réalisation reprend les codes du genre, avec souvent un effet de clin d'oeil, par exemple à la fin lorsque le spectateur voit à travers les yeux (l'oeil pardon) de Nick Fury (Samuel L. Jackson) les reportages et témoignages autour de l'intervention des super-héros. C'est d'ailleurs à ce moment-là que Stan Lee fait son apparition traditionnelle dans le film. C'est aussi cette touche d'humour bien présente, notamment grâce à Iron Man et Captain America, qui m'amène à pardonner la part nettement moins volontaire de ridicule qu'il y a pu y avoir dans le film. Car je ne vous cache pas que les apparitions de Loki en costume de demi-dieu, "dans toute sa splendeur", a provoqué dans la salle quelques éclats de rire que le costumier n'avait sûrement pas prévus. Quoi qu'il en soit, c'est bon de rire et le ridicule n'envahit pas les deux bonnes heures que dure le film ; car Avengers, c'est avant tout un film de super-héros qui, s'il n'a rien de révolutionnaire, n'a rien de raté non plus.
On sait ce qu'on achète en payant sa place et on se prend au jeu une fois assis.