Chapeau! Millions et bottes de cuir...
Après la déconvenue de The Dark Knight Rises, trilogie sur une chauve souris qui finit par battre de l’aile, il fallait bien un nouveau film de super héros pour tenter de maintenir la cape malgré tout. Il fallait bien venger l’affront fait au genre par excès d’orgueil. Il fallait bien quelques costumes en caoutchouc et un peu de surenchère bon enfant. Fallait bien arrêter de se la raconter, quoi.
Bon, en fait je n’avais que ça à regarder, donc acte.
Ce qui saute aux yeux dans un premier temps avec Avengers —à part les premières minutes de maladresses télévisuelles qui piquent les yeux— c’est le changement de ton par rapport à la trilogie susnommée. Évidemment, l’univers est différent, les enjeux sont différents, la maison d’édition est différente ; mais désolé de contredire certains, je ne pense pas qu’il faille absolument sombrer dans la pose tragique et le dialogue définitif pour insuffler à tous les coups une dramaturgie crédible et grave.
En effet, si Whedon semble d’abord trainer quelques casseroles cathodiques (j’y reviendrai) il n’en demeure pas moins que son écriture, forte justement de son expérience sur le petit écran, se fait bien plus fine et efficace dans la construction des interactions et relations des protagonistes qu’il ait été donné de voir dans le dernier Nolan.
Ainsi il parvient à réaliser un numéro d’équilibriste souvent casse gueule dans les films choraux embarquant personnalités et personnages forts ; assurer une bonne répartition des rôles, moments de bravoure, punch lines, et surtout un gestion équitable et satisfaisante des egos.
Oui, bravo pour la répartition juste et efficace des plans de dos de Scarlett Johansson.
Ce tissage de lien progressif amène donc le spectateur à ressentir plus d’attachement envers des personnages pourtant plus légers mais justement ô combien plus humains car bourrés de défauts et d’imperfections malgré leur apparente invulnérabilité. En gros pour susciter l’empathie à l’encontre d’un héros aux grandes responsabilités blablabla il n’est nul besoin de le pourvoir d’un balai dans le cul.
Pourtant, comme je l’insinuais plus haut, le film ne convainc pas d’emblée ; si bien que dans les premières minutes on reste perplexe face à certains tics de réalisation et certains plans bien trop télévisuels qui picotent les yeux. La scène d’introduction de la veuve noire, avec ses incrustations fauchées et sa chorégraphie de combat rappelant un épisode de Buffy, en témoignent (et que dire de cette conversation télépathique entre Loki et un alien en plastique dans un décor digne de l'hyper espace d'un épisode de X-Or).
Le rythme aussi surprend ; peinant à décoller, l’action semble a priori alourdie par des dialogues tombant un peu à plat. Les acteurs ont l'air d'hésiter, les effets spéciaux transpirent le déjà vu, on se dit qu’on en a pour deux heures vingt, et on a un peu peur, en particulier en sortant de TDKR.
Et puis doucement mais sûrement Whedon se réveille et prend petit à petit conscience du format qu’il a sous la main. Sa réalisation s’émancipant progressivement de son champ de pratique habituel, on sent qu’il prend de plus en plus de plaisir et d’assurance —et nous avec— jusqu’à la paroxysmique scène d’invasion finale, maintenant bien connue du public.
D’un autre côté, le travail d’écriture et la direction d’acteur prend tout son sens à mesure que l’on se rend compte que chaque ligne de dialogue et attitude des Vengeurs trouvent leur justification dans l’évolution appréciable et crédible des personnages et de leur réactions. Là où l’on s’attendait à un Tony Stark agaçant de cabotinage et omniprésent on trouve un membre de plus en plus responsable et impliqué. Là où l’on s’attendait à un Hawkeyes transparent et dispensable on trouve un coéquipier certes peu mémorable mais efficace. Là où l’on s’attendait à un Bruce Banner complètement effacé derrière un Hulk poids lourd on apprécie que Ruffalo s’en sorte honorablement, car plus ambiguë qu’il n’y paraît. Là où l’on s’attendait à voir les fesses de Johansson moulée dans… pardon.
La grande réussite (surprise et attendue au tournant) de Whedon réside dans cette aptitude dont il a su faire preuve à jongler avec gros budget, gros egos, gros bordel scénaristique de franchises multiples et fan service.
The Avengers n’est certainement pas le film du siècle mais il parvient tout de même à assurer le spectacle de façon non pompeuse malgré l’aspect épique aux gros sabots que son pitch peut inspirer. À l’inverse de beaucoup d’autres bobines de sa catégorie, il réussit l’exploit de se bonifier au fur et à mesure du visionnage, en même temps que sa réalisation prend de l’ampleur.
Il bénéficie d'un bon capital sympathie appuyé par des acteurs au service de la cause commune, et servi par quelques touches d’humour appréciables qui achève de vous convaincre que vous êtes face à un divertissement honnête et de bonne facture.
En plus Cotillard joue pas dedans, alors.