Heroes no more

Nous avions laissé les Avengers au terme du premier film unis, ayant vaincu le sentiment du suspicion et la division qui les menaçaient, et accessoirement, les Chitauris. Si les premières minutes de l'Ere d'Ultron capitalisent sur ce qui semble être des acquis, c'est pour que Joss Whedon puisse les dynamiter pour ensuite les jeter aux orties. Car le film adopte une tonalité plus sombre et prend un malin plaisir à briser ses héros grâce au personnage de Scarlet Witch. Les personnages sont ainsi mis à nu par le biais de leurs failles, de leur passé ou encore du poids de leurs erreurs, remettant en cause la dynamique déjà précaire du groupe.

L'action n'est pas en reste et les batailles sont homériques, à l'image du choc des titans Hulk / Iron Man qui tient toutes ses promesses. Les signature shot sont nombreux, empruntant parfois une imagerie puissante dans la lignée de Frank Frazetta (la vision d'Iron Man) ou un esthétisme à la Adi Granov. Le film, en outre, permet à chaque héros d'avoir une place significative à l'écran et de bénéficier de son petit moment de gloire, exercice d'équilibre subtil déjà délicat encore compliqué par l'ajout de quatre nouveaux personnages. Si Ultron est une figure archi classique de l'intelligence artificielle qui brise ses chaînes, il n'en demeure pas moins qu'il incarne une menace réelle, que le sentiment qu'il est partout et nulle part à la fois renforce, ainsi que sa capacité d'évolution. Les liens de filiation qu'il entretient avec Stark sont aussi d'un classicisme absolu. Quicksilver et Scarlet Witch, eux, voient leurs origines quelque peu revisitées mais sont exploitées à la perfection, même si la mutante sort du lot par son design actualisé, le visage ravissant et les formes affolantes d'Elizabeth Olsen. Le personnage de Vision, le plus casse-gueule du lot, est quant à lui parfaitement rendu, son look ne paraissant jamais ridicule à l'écran alors qu'il se révèle assez proche du matériau d'origine.

Cependant, si le plaisir est bel est bien au rendez-vous et l'action généreuse, le spectateur garde à l'issue de la projection un drôle de goût en bouche difficile à verbaliser. Comme si le charme du premier opus n'arrivait pas à être ressuscité. Celui qui faisait se préoccuper du sort des héros lors du climax de l'attaque des Chitauris, qui faisait croire à l'existence de leurs silures mécanico-organiques géants et qui faisait jubiler l'enfant de cinq ans qui sommeille en notre coeur à chaque extra-terrestre mis à terre. Ici, question d'atmosphère sans doute, tout est plus "grave". Car le danger, au final, est l'oeuvre de l'un des membres qui la joue solo. Car l'équipe doit ensuite gérer les conséquences de cette imprudence coupable. Car quoique les héros fassent et quelque soient les choix du groupe, les interventions et les exactions feront des victimes collatérales. Ici, à l'instar des Etats Unis dans le vrai monde, les Avengers font des erreurs et des dégâts qu'ils croient solutionner dans un conflit qui fait naître plus de problèmes encore qu'ils ne sont parvenus à en résoudre. Et si les Avengers triomphent, c'est dans un désenchantement palpable, dans un champ de ruines.

A citer aussi au rayon des quelques défauts, il faut ajouter qu'une ou deux scènes ne collent pas du tout au propos et font sortir un peu du film (la villégiature en rase campagne ! Pourquoi ?).

Au final, si Avengers : L'Ere d'Ultron remplit son contrat de divertissement haut de gamme, quelques défauts font qu'il n'est pas le sommet du film de super héros que l'on attendait. Dommage, c'est passé si près...