L'Assemblée des peigne-culs
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Ne nous attardons pas sur tout ce qui fait d’Avengers : L’ère d’Ultron un film totalement raté : scénario vu et revu, punchlines éculées venant ponctuer l’action, mythe non renouvelé du cyborg, incohérences scénaristiques grotesques, alternance chronométrée d’unité/discorde au sein du groupe de super-héros, travellings assoupissants, etc.
Une chose est particulièrement frappante dans ce film : c’est l’application avec laquelle les Avengers s’efforcent de ne causer aucune victime lors de leurs petites sauteries pyrotechniques. Alors que l’un des plaisirs avoués de ce genre de films est de voir des villes entières se désintégrer sous les coups de combattants aux pouvoirs surnaturels, alors que la simple chute d’un Hulk au sol cause un mini-tremblement de terre capable de raser un arrondissement parisien, on voudrait nous faire croire que le sauvetage des civils est la priorité numéro 1 de nos « protecteurs ». Le montage alterné ne cesse de nous montrer des gros plans sur quelques passants terrifiés, figés devant l’arrivée d’une voiture, d’un pan de mur, ou d’un robot du futur leur fonçant dessus à la vitesse d’un TGV… Dangers dont ils seront systématiquement sauvés « in extremis » par l’un des membres du groupe. Peu importe donc si, pendant les dix minutes précédentes, on a vu une dizaine de buildings exploser dans le centre-ville d’une grande mégalopole : force est pour nous de supposer que « ouf, ils étaient vides »…
Lors de la scène finale, Black Widow, se faisant le porte-parole d’un spectateur en quête de pragmatisme, tente pourtant de raisonner Captain America, en lui faisant comprendre qu’il vaut mieux sacrifier les quelques centaines d’habitants d’une ville plutôt que l’humanité entière… Et ledit Captain de s’insurger : « Il ne doit y avoir aucune victime ». Pieu voeu que celui-ci ! Finalement, c’est l’un des membres du groupe qui devra sacrifier sa vie pour sauver celle d’un enfant resté coincé dans les décombres – le sentiment de déjà-vu à la lecture de cette cruciale donnée du scénario est normal, et rassurez-vous : aucun spoiler n’est possible sur ce film.
D’où vient ce souci de l’humain lambda dans les films de super-héros ? D’un traumatisme lié aux catastrophes naturelles récentes? D’une évolution de l’action militaire moderne vers les fameuses « frappes chirurgicales » qui font l’objet d’un film sorti le même jour en France, Good Kill ? D’un éventuel placebo typiquement américain censé nous rassurer et nous rappeler que « tout ira bien » ?
Un plan, et un seul, vient mettre en image les victimes : c’est un plan en plongée verticale, nous montrant Hawkeye, blessé, s’affalant aux côtés des deux seuls morts avoués (et avouables ?) de cette guerre contre les machines : plein cadre, il y a le héros déjà mentionné plus haut ; et, en haut à gauche de l’image, bord-cadre, un policier (le seul qu’on ait vu tomber, fauché par une rafale de mitrailleuse). Que faut-il comprendre? Que seuls ceux qui portent l’uniforme sont appelés à mourir, parce que, comme le rappelle sans cesse Captain America, c’est leur devoir ? (D’ailleurs, il s’agit finalement plus pour eux d’un métier que d’un devoir, si on se réfère à la réplique d’Iron Man incitant ses compagnons à se battre pour « gagner leur vie »). Alors quoi, la seule façon pour le fameux humain lambda de devenir un héros est d’endosser un uniforme, et de mourir à leurs côtés? Pendant que les autres, les naïfs, les passifs, les faibles, sont condamnés à fuir en poussant des cris de terreur, et en priant pour qu’on les sauve ? Belle entreprise de déresponsabilisation que celle-là : moins nous en savons, mieux nous nous portons. Au lieu de faire de chaque citoyen un observateur attentif et éclairé du monde qui nous entoure, laissons la minorité armée (policiers, militaires, super-héros ?) s’occuper de notre protection. Ils seront peut-être amenés, au passage, à faire sauter quelques immeubles, mais rassurez-vous : vous ne serez pas dedans.
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Créée
le 4 mai 2015
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