Qui nous vengera des Vengeurs ?

Il y a des films qui durent trop longtemps. Pas forcément parce qu'ils n'ont rien à raconter, non, mais parce que plus on progresse dans l'intrigue, plus les minutes s'égrènent et plus on sent que l'on se rapproche douloureusement du point de non-retour, celui qui annonce une plongée vertigineuse dans les abysses de l'ennui. C'est con, parce qu'à la base un film (et à plus forte raison un film d'action) est censé suivre une trajectoire ascendante, monter en régime pour amener le spectateur vers son climax, qu'il soit émotionnel, intime, spectaculaire ou drôle. Pas ceux-là.

Avengers 2, donc. Si un petit malin voulait résumer le film en un minimum de mots, il dirait probablement quelque chose comme "Très bien la première demi-heure, moyen l'heure suivante, et chiant comme un jour de pluie à la fin." Malheureusement pour ceux qui liront cette critique, je ne suis ni petit ni malin, donc chers éventuels lecteurs, vous allez devoir vous cogner un texte relativement long et probablement chiant. Comme dirait l'autre :"Brace yourselves, bullshit is coming."

On retrouve donc notre bande de joyeux lurons en train de faire ce qu'ils font de mieux : casser des gueules. C'est joyeux, ça pète de partout, ça se vanne de partout, bref, du classique et on se prépare à repartir pour un tour de manège. Oui, sauf que...sauf que visiblement, de l'eau a coulé sous les ponts et pas seulement parce qu'il y a eu ouatemille films entre Avengers 1er du nom et L'Ere d'Ultron. Petit tour d'horizon de l'état des personnages :
- Stark est devenu énervant. On me dira qu'il l'était déjà, oui, mais non, là il a vraiment franchi la limite entre troll très sympa et gros lourd. Faut dire qu'il ne débite plus ses plaisanteries avec le même panache, même se payer la tête de ce bon Captain America ne lui procure visiblement plus le moindre plaisir. Ah, et il est devenu con aussi, et encore plus borné que d'habitude. Pas étonnant qu'Ultron ait mal tourné avec un père pareil.
- Captain America se débat avec ses regrets et son futur visiblement bouché. Le personnage a un potentiel tragique très intéressant et a même le droit à deux des scènes les plus réussis du film. Catégorie émotion d'abord : lorsqu'il conseille à un Banner indécis (mec, c'est Scarlett Johansson, d'où tu hésites ?) de ne pas "commettre la même erreur que lui, de ne pas attendre qu'il soit trop tard". Catégorie humour ensuite : l'hilarante scène autour du marteau de Thor, avec le petit coup de stress de ce-dernier. Je n'en dis pas plus, y a trop peu de scènes vraiment savoureuses pour que je vous gâche entièrement celle-là. Un bon point pour Cap donc, même si son mano à mano chiant comme la mort contre Ultron en fin de film manque de le plomber.
- Thor d'ailleurs, qui devient un véritable poids pour le film. Il paraît qu'il existe une version longue qui rajoute une bonne heure en plus et permet d'expliquer ses allers-retours incessants. Tant mieux, mais en attendant le blondinet alourdit considérablement la narration déjà bien chargée et a l'air d'un poulet sans tête cavalant un peu partout.
- La Veuve Noire (aka Scarlett Johansson, aka Mme "je-porte la combi-cuir-comme-personne) est devenue une midinette dont le seul but est de pécho le gentil Banner. Dommage pour le personnage, d'autant que ce qui est censé être son moment poignant est aussi subordonné à Banner.
- Le même Banner qui laisse un sentiment mitigé. Autant le gentil scientifique est touchant de maladresse et de frustration, autant Hulk...comment dire ? Pour vous donner une idée, dîtes-vous que le film réussit à rendre un "HulkBusterSuited" Iron Man vs Hulk ennuyeux (pas de spoil, c'était dans toutes les BAs). Non mais on est où là ? Tout fout le camp ma bonne dame ! Il manque au Géant Vert (hohoho) cette sensation de puissance et de rage qui faisait tout le sel du personnage dans le premier Avengers. Il manque ce oneshot de Loki, il manque ce coup de poing phénoménal assené à une monstrueuse baleine de l'espace. Bref, ça manque de Hulk.
- Last but not least (oh que non), Hawkeye. Ne vous y trompez pas, il ne vaut peut-être pas tripette face aux autres, mais le boss de l'équipe, le vrai, le pilier qui maintient ce zoo ambulant debout, c'est lui. C'est peut-être la plus belle idée du film : faire de Monsieur-Tout-Le-Monde le plus fort des Avengers, le plus à même d'encaisser les coups du sort et de rebondir. Quand le reste de l'équipe est au trente-sixième dessous, c'est lui qui les maintient à flot, lui qui décide du repli, lui qui prend le commandement des opération. Pas besoin des muscles de Captain America, juste de l'indestructible volonté de protéger les siens. Il n'y a qu'un seul vrai héros chez les Avengers, c'est le type qui va affronter des abominations surpuissantes en sachant très bien qu'il n'a aucune chance. Du coup, Hawkeye devient LE héros du film, et ça fait plaisir pour ce personnage qu'on avait peur de voir finir en boulet.

Bon, c'est un peu morne chez les Avengers (à une exception près), si on allait voir du côté du méchant ? Alors la bonne nouvelle, c'est que James Spader prend visiblement un pied monstrueux à incarner un gigantesque robot assoiffé de destruction. La mauvaise nouvelle, c'est qu'on aimerait bien prendre un peu de plaisir avec lui, mais visiblement môssieur est un égoïste qui pense à son propre plaisir avant tout. Ultron est lourd, vraiment lourd, un trait qu'il partage avec son géniteur (Stark) et qui l'empêche de dépasser son statut d'énième IA ayant pété les plombs. C'est triste.
Je ne parlerais pas des fameux jumeaux Vif-Argent/Sorcière Rouge, d'abord parce que ce serait vous spoiler ("Ah parce qu'il y a encore quelque chose à spoiler dans ce film, connard ?"), ensuite parce qu'ils n'ont aucun intérêt à part celui de servir de faire-valoir.

Le plus malheureux dans toute cette histoire c'est qu'on sent que ce n'est pas vraiment de la faute de Whedon. Au contraire même, si le début est aussi emballant c'est peut-être parce que lui même est visiblement très enthousiaste, comme le montre son joli clin d'oeil au film précédent avec ce plan-séquence très similaire dans l'esprit à celui d'une minute qui avait ébouriffé l'assistance lors de l'attaque des aliens. Mais voila, les minutes s'égrènent, il faut coller au cahier des charges Marvel et faire progresser toutes sortes de sous-intrigues, et on termine le film en se disant qu'il a finalement capitulé et que ce n'est pas un hasard s'il ne reprendra pas la suite dans Infinity War. Quel dommage que le meilleur réalisateur estampillé "geek" de ces dernières années (et le premier qui évoque Zack Snyder, je l'encastre dans le mur) ait lui aussi été écrasé par la machine hollywoodienne
Doucement mais surement, Marvel s'achemine sur la pente du suicide cinématographique et surtout commercial.