"I claim we got a beating. We got run out of Burma and it's humiliating as hell. I'll go over the mountains into India and rake up an army. I'll supply them there, train them, and some day I'll lead them back into Burma." Joseph W. "Vinegar Joe" Stillwell, général de l'armée US.

Le 7 décembre 1941, les zéros nippons foudroient Pear Harbour et engagent définitivement les États-Unis dans le conflit mondial. Le Pacifique n'est pas l'unique théâtre de leur affrontement. En Extrême-Orient, où l'armée impériale assoit sa domination, l'US Army, après avoir été bouté hors de la jungle birmane, vient en aide aux peuples libres de Chine, d'Inde et Birmanie. Elle les équipe, les entraine et les dirige en vue d'une invasion future. Elle sera maousse et repoussera l'occupant jusqu'à Tokyo. Mais avant tout mouvement, il s'agit de rétablir l'axe routier principal qui mène à la Chine et que les japonais ont volontairement coupé. Seulement alors l'invasion sera possible. Afin d'opérer dans la plus parfaite discrétion, 36 parachutistes de l'Air Force (les Merrill's Marauders), commandés par le capitaine Nelson, sont largués au cœur de la jungle. Leur mission, détruire la station radio japonaise qui s'y trouve et gagner rapidement le point d'extraction. Mais les choses vont mal tourner et la mission éclaire se transforme en véritable marathon pour la survie dans les méandres de la forêt birmane.

Objective, Burma! est déjà la sixième, et par conséquent avant dernière, collaboration entre Walsh et Flynn. Entre leur premier film ensemble (They Died with Their Boots On, 1941) et celui-ci (1944), il ne s'est passé que trois années. Trois années au cours desquelles Flynn passa 75% de son temps sur le plateau de son "oncle" irlandais (6 films de Walsh sur 8 tournés). Ils se retrouveront une dernière fois quatre ans plus tard pour Silver River. La collaboration de Walsh et Flynn fut aussi brève et intense que leur amitié et leur complicité était sincère et profonde. Si le premier a fait Hollywood, le second y vécu à son apogée (il n'y est pas pour rien évidemment : que serait le cinéma d'aventure, et plus généralement le cinéma, sans Errol Flynn?). Les ascendances irlandaises n'étaient pas leur seuls points communs. Buveurs invétérés, dragueurs dans l'ame, ils partageaient la même passion pour les chevaux, les femmes et la peinture (Flynn couvrait, ostensiblement ou nonchalamment je ne sais pas, les murs de sa demeure de Mulholland Drive d’œuvres d'art signées Van Gogh et Gauguin) et la même aversion à la vue d'une bouteille pleine. Il n'y a pas un bar, un saloon en Californie qu'ils n'aient éclusé ensemble ou séparément. Walsh avait d'ailleurs l'habitude de chaperonner Flynn, souvent sur l'insistance de Jack Warner, qui craignait autant qu'il admirait la fouge de son protégé. A vrai dire Walsh était le seul directeur à Hollywood capable de gérer le diable tasman. Leur parcours également les rapprochaient. Ils étaient assez semblables. Avant de travailler dans l'industrie du cinéma, ils furent entre autres cowboys, chirurgiens et croque-mort pour le réalisateur, champion de tennis, chercheur d'or, vétérinaire, pêcheur à la dynamite et guide touristique pour l'acteur. L'aventure, ils avaient ça dans le sang.

Objective, Burma! est l'archétype du film de Walsh et de son désir de réalité (il faisait très peu de prise pour permettre aux acteurs de garder leur spontanéité). Le personnage du correspondant de guerre qui bat la campagne (la jungle en l'occurrence) avec les parachutistes en dit long sur la volonté d'authenticité du réalisateur. Le film pourrait être à sa chronique journalistique. Elle s'intéresse alors d'avantage au comportement des hommes à la guerre qu'à l'action proprement dite ou au sous-texte patriotique. Il filme les visages de ces hommes perdus dans la nature en gros plans. Leur peur, leur anxiété, leur angoisse sont palpables. D'abord confiant et conquérant suite à leur succès éclaire (la mise hors d'état de service de la station radio), ils adoptent progressivement le costume de la proie. Le chasseur devient le chassé, le prédateur la proie. Walsh insiste également beaucoup sur leur perception de la jungle : la moiteur des marais, le bourdonnement strident des moustiques, les piaillements des singes, le ramage des oiseaux.. La nature est hostile, cloisonne les hommes et annihile toute velléité à lutter. A ce titre la scène finale est un morceau de bravoure rafraichissant (on voit enfin le soleil et l'horizon devant soi) et extrêmement bien fichu. Le style est quasi-documentaire. Outre les gros plans sur les visages minés des soldats et le fond sonore très riche de la forêt birmane, Walsh filme méticuleusement les préparatifs, les parachutages, la survie et la solidarité en milieu inhospitalier. Ce procédé était assurément très moderne, presque avant-gardiste, à une époque où le romantisme était en bout de course et où le néo-réalisme ne faisait encore que figure de science fiction.
Devant la caméra de Walsh, Flynn est une nouvelle fois exceptionnel, totalement crédible en capitaine chevronné et courageux de l'US Air Force. A ses côtés, beaucoup de trognes sympathiques s'ébattent. On croise par exemple James Brown dans l'uniforme du Sergent Treacy, l'inénarrable George Tobias dans celui d'un caporal ou encore Mark Stevens en lieutenant éclairé.

Objective, Burma! perpétue la longue tradition des films de guerre de la Warner de l'époque (Sergent York et Air Force de Hawks, Destination Tokyo de Daves) engagée par le studio suite à l'avènement du second conflit mondial pour exhorter les troupes sur le front et encouragé l'effort de guerre. Il n'est certes pas dénué des relents patriotiques et fortement anti-japonais inhérents aux productions de l'époque (l'armée impériale est montrée comme sanguinaire, brutale et sadique et qualifiée de "monkey") mais Walsh s'attache toutefois à pondéré son propos en pointant plutôt les horreurs et la logique implacablement sanglante de la guerre. Le film ne sortira toutefois jamais au Japon. Mais les japonais ne furent pas les seuls à se sentir bafoués. De l'autre côté de l'atlantique, les alliés britanniques allaient également donner de la voix et faire couler l'encre. Au premier rang desquels le Prime Minister Churchill qui n'admettait pas qu'Hollywood balaie si promptement la participation, majoritaire qui plus est (on était encore au temps du Raj britannique), de l'armée britannique et coloniale. Le film eut très mauvaise presse et fut retiré de l'affiche après seulement une semaine d'exploitation. Il faudra attendre 1952 pour le voir à nouveau à l'écran.
blig
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le 22 oct. 2014

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blig

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