Sur L'Adamant de Rosa Parks
Second volet du triptyque de Nicolas Philibert sur les institutions psychiatriques publiques, cet Averoes et Rosa Parks est plus ample (ne serait-ce que par sa durée) et plus apre que Sur...
le 21 avr. 2024
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Second volet du triptyque de Nicolas Philibert sur les institutions psychiatriques publiques, cet Averoes et Rosa Parks est plus ample (ne serait-ce que par sa durée) et plus apre que Sur L'Adamant.
Nous sommes ici au coeur d'un refuge pour des patients dont les troubles psychiques sévères envahissent tellement leur quotidien qu'ils ont besoin d'un soutien/suivi constant pour ne pas définitivement sombrer dans des abymes macabres. Quels que soient les stygmates dont ils souffrent (d'ordres névrotiques, délirants, schizophréniques et autres pathologies apparentées), tous expriment une douleur lancinante et cette sensation que la raison de vivre leur échappe. Enfermés dans leurs surmois psychotiques, la plupart ont conscience de leur extrême fragilité mentale mais ne souhaitent pas pour autant qu'on les assigne à cette seule imagerie alieniste.
En amont de la projection au MK2 Beaubourg à Paris, le cinéaste fit part de sa volonté d'aborder plus frontalemennt ces problématiques. Reconnaissant qu'il souhaitait procéder par étapes, son premier volet devait lui permettre d'initier le grand public à un environnement inhabituel. C'était pour lui une manière de ne pas brusquer l'audience, tout en l'alertant. Ici son souhait abordait un aspect plus "militant", estimant qu'après les "présentations" l'heure était suffisamment grave pour ne pas tergiverser. Après la pudeur ainsi que la douceur du cadre "enchanteur" de la péniche en pleine Seine, et ses activités thérapeutiques entrecoupés d'entretiens empathiques, voici le temps de l'enfermement.
Au sein d'un établissement alliant boiserie et murs "pénitentiers" au centre de Paris, ne comptent plus que les visages altérés et les pensées envahissantes/obsédantes. Le cinéaste veut faire émerger la parole instinctive et brute de personnes à l'état limite de la déraison. C'est souvent crue (cruel....), parfois insupportable de violence morale et toujours objectivement intéressant comme analyses de comportements. L'on voit également les soignants tenter de rester le plus flegmatique possible dans les situations les plus extrêmes, avec un souci de professionnalisme qui leur fait honneur. Les points de ruptures ne sont jamais très loings entre ces deux espaces, d'où subsiste la nécessité impérative que l'état cesse son attitude irresponsable. L'économie des comptes publics ne peut pas/ne doit pas se faire sur le dos des plus démunis, car il est de nécessaire de comprendre que la démarcation habituelle que nous faisons entre normalité et folie n'a absolument aucune valeur scientifique.
L'eugénisme des esprits totalement sains est un grossier leure. Chacun de nous porte en soi des germes pathogènes, c'est le parcours de vie intraseque ainsi que les circonstances endogènes qui feront développer ou pas ceux-ci. Étant entendu que le cortex cérébral n'est pas uniforme, ceux qui auront une prédisposition plus forte ne le vivront pas tous avec la même intensité ni les mêmes difficultés. Si Philibert peut au moins éveiller les consciences sur la complexité de la psyché humaine, son œuvre aura eu ce mérite la. Son premier opus était une forme de brouillon mnesique, celui-ci prend plus les contours d'un essai philosophique plus affiné et subtil. Combien même son dispositif apparaît encore fluctuant, avec des initiatives toujours aussi louables mais dont les formes incertaines peuvent prêter à débat. Après tout, n'est-ce pas ici le rôle d'un documentariste que de poser plus de questions qu'il n'apporte de réponses définitives?
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le 21 avr. 2024
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