Brut, à hauteur d'hommes.
Le film s'ouvre sur un carton assurant que les faits signalés sont véridiques, avec au moins 5 témoins pour corroborer le moindre détail. Il veut donner la vision de la guerre d'Algérie depuis ces pauvres aspirants.
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Un groupe de conscrits bretons réfractaires est envoyé dans le désert, au bord des Aurès. Le lieutenant Perrin (P. Léotard) les prend en main et les amène peu à peu à quitter leur contestation pour se battre. Il commence par dire qu'il parie sur leur groupe. Puis les amène exprès dans un endroit dangereux où, sous le feu de l'ennemi, ils répliquent. Tous, sauf Noël (A. Arkady). En fait tout ça, je l'ai remis en ordre : ça arrive plus tard en flashback. Le film s'ouvre sur une patrouille au cours de laquelle Robert, l'instituteur, se prend une balle dans la jambe. On fait prisonnier un "fellouze", on brûle et enterre le cadavre d'un autre. On s'installe dans un village désert, nettoyé peu auparavant (flashback de charniers). On attend un hélico, mais le central ne répond pas : on apprend par le poste radio que le putsch des généraux a eu lieu. Les hommes ligotent leur lieutenant, pro-Salan. Le lendemain, l'hélico finit par arriver, et ils le détachent. Ils attendent la suite près d'une éolienne sur le piquet de laquelle le fell' est ligoté, les bras en croix. Perrin, agacé par le pacifiste Noël, le pousse à bout en lui hurlant dessus. La nuit, Noël craque et s'enfuit en délivrant Youssef, le prisonnier. Commence une errance folle, tous deux ne se comprenant pas, alors que Youssef a une jambe très mal en point : Noël le laisse en arrière dans un oued asséché. Au bord de la mort lui-même, il trouve une tente berbère, où un enfant, Omar et une jeune fille, Zora, décident de l'accompagner sauver Youssef. Mais plus tard, Noël retombe sur leur campement détruit. Le gamin, Omar, prend le fusil mitrailleur dont Noël lui avait montré auparavant le fonctionnement et lui tire dessus. Cut. On voit le lieutenant Perrin déplorer la fourberie des fellagahs, qui tirent dans le dos d'humanistes comme Noël. Ordure.
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Un film pas joli esthétiquement : si on sent que c'est filmé sur place, il y a peu de travail d'éclairage, ou même de cadrage ou de mise en scène. Au niveau des dialogues, c'est sans doute un peu improvisé parfois, même s'il y a des répliques qui claquent bien. Le film alterne les plans d'ensemble et gros plans. Les chansons sont crues, peu travaillées, mais c'est la force du film : se mettre à la hauteur de petits gars de 20 ans qui veulent mettre en mot la dureté de ce qu'ils ont vécu.
Le contenu prime, en somme. Et les anecdotes sont nombreuses et accablantes : viol d'une fille devant un copain, le mec essaie de se persuader qu'elle a aimé ça (oui, il y a une séquence où ils parlent comme s'ils étaient interviewés, ils essaient de justifier leur recours à la violence par la peur, c'est très réussi). Surtout l'histoire de l'éclaireur harki qui se fait lyncher parce qu'on pense avoir perdu un gars alors qu'il s'est paumé en allant pisser : pas besoin des gros moyens d'"Apocalype Now" pour filmer le retour à la sauvagerie la plus crasse. Ou les histoires bien dégueulasses de Perrin, qui se vante d'avoir ouvert le ventre d'un harki coupable d'aider le FLN, avant que ses hommes ne mettent du sel dans la plaie.
Et puis le carton final, qui nous apprend que s'étant soulevé contre Perrin (depuis devenu commandant), les membres du bataillon furent dispersés et que deux sont morts dans des circonstances encore obscures. Glaçant.
Un très bon film, sans doute supérieur à "R.A.S.", sur la manière dont l'armée te fait faire ce qu'elle veut, malgré toutes tes belles convictions, quand tu es lâché dans un pays dont la plupart des habitants veulent ta peau, parce que tout simplement TU NE DEVRAIS PAS ÊTRE LA.
Vu à la Cinémathèque.