Ce film est généralement mal noté par les cinéphiles. Je trouve ça assez injuste. Et même si ça me paraît une cause perdue d'avance, je vais essayer de le défendre.
Le scénario regorge de péripéties pittoresques, rocambolesques ou saugrenues qui nous transportent d'un lieu fascinant à un autre (par ex. le QG de "La France libre" de Charles de Gaulle à Londres et l'Hôtel Meurice, près de la place Vendôme à Paris, QG des forces d'occupation allemandes et notamment de la Gestapo). Écrit par Raoul Lévy puis presque entièrement réécrit par Gérard Oury, on peut déceler en lui les germes de l'immense succès populaire que sera, quelques années plus tard, La Grande vadrouille.
Les dialogues sont signés Michel Audiard. On reconnaît clairement sa patte et son humour dézinguant (par exemple, au tout début du film, devant l'avancée des troupes allemandes en mai 1940, la tenancière d'un bordel de Berck-sur-mer s'embarque précipitamment, avec ses "filles" et bagages, sur un vieux bateau de plaisance en partance pour l'Angleterre car, dit-elle des Allemands, "ils nous passeront peut-être sur le corps, mais pas sans payer !").
Le réalisateur Christian-Jaque n'est pas Billy Wilder, c'est entendu, mais il a fait un travail correct. Je trouve le découpage des scènes et le montage assez adroits : l'histoire ne traîne pas, elle est menée tambour battant. L'arrivée, au tiers du film, de Francis Blanche (en chef de la Gestapo surveillant les communications téléphoniques des officiers allemands logés au Meurice) est très réussie et sa désopilante caricature du chef SS insuffle un vrai grain de folie à l'histoire. Bardot et lui portent le film sur leurs épaules et lui donnent un côté naïf, fou et bon enfant. N'oublions pas quand même les autres personnages qui tiennent très honorablement leurs rôles. On entend dire parfois que Jacques Charrier était un acteur médiocre. Je trouve qu'ici, il tire très bien son épingle du jeu. Il est exactement ce qu'on veut qu'il soit : un jeune homme charmant, BCBG et amoureux d'une bombe, pardon d'une étoile. Si Bardot l'a imposé pour le rôle (à une époque où elle avait tous les hommes, tous les comédiens, à ses pieds), ça n'est pas par hasard. Et elle a bien fait de l'imposer : il est parfait dans son rôle de faire-valoir de LA star française de l'époque, celle vers qui tous les yeux étaient tournés. Mieux, le couple fonctionne : ils étaient amoureux, ça crève les yeux à l'image (même 60 ans plus tard).
Alors, comédie hilarante ou bêtifiante ? Ni l'une ni l'autre, mais gentille, enlevée, parfois drôle, farfelue, avec, cerise sur le gâteau, un couple charmant et attendrissant.
Un bémol tout de même : la musique de Gilbert Bécaud, à mi-chemin entre le pompier et le militaire, est assez peu inspirée. Dommage !