Jusqu'à il y a une dizaine d'années, il était inconcevable de sortir en France un film à fort potentiel commercial pendant la période juillet-aout. Les distributeurs se contentaient alors de mettre en salle quelques films d'auteurs au début de leur hypothétique gloire ou au contraire épuisés par leur fin de parcours, sentinelles artistiques isolées perdues au milieu de quelques pochades adolescentes dont la renommée attendrait que leurs spectateurs deviennent adultes, et couvrent d'un pudique voile de nostalgie ces jolis navets mal doublés.
Mais les cartons estivaux à répétition du box-office américain étaient un nouveau signe que, comme Halloween ou les donuts, les u.s. et coutumes d'outre-atlantique étaient voués peu à peu à tous devenir les nôtres. Les mentalités ont naturellement accompagné le changement: là où il était autrefois saugrenu de s'enfermer pendant l'été, il devient salutaire de se mettre au frais pendant la canicule.
Et donc, les bollockbusters © de l'été sont désormais aussi attendus que les impôts en septembre et le festival des selfies éphémères de Roquefort-La-Bédoule en décembre. Un incontournable de la saison.
Car une fois l'habitude prise, les équipes de com' des studios ont bien compris un des intérêts pernicieux de sortir un film cool en période hot. Les esprits s'échauffent. La hype se répand comme les effets d'un mégot jeté par un connard dans la pinède en période de mistral. L'asphyxie, due à un air volatile et raréfié, guette le spectateur enthousiaste dont le sang n'irrigue plus parfaitement le cerveau, et le cœur s'emballe.
(L'expérience et le grand âge m'ont prémunis contre ce genre de symptômes: je ne me déplace plus sans mon ventilateur, mon brumisateur et même, dans un cabas à roulette estampillé Provence-Alpes-Côte-d'Azur, mon extincteur à mousse, en cas d'urgence. Sans oublier les boissons nécessaires et indispensables: Spritz, Mojitos, bière et pastis, en thermos réfrigérés).
Croyez bien que malgré toutes ces précautions, j'étais tout à fait disposé à m'enflammer: les réalisations d'Edgar Wright ont depuis toujours tendance à me combler de plaisir, ses films disposent chez moi (depuis même la série Spaced) d'un capital sympathie inaltérable.
Et en l'état, le cahier des charges est presque totalement rempli: scènes sur-vitaminées et originalement rythmées, dialogues percutants et drolatiques, acteurs parfaitement castés et concernés.
Mais l'avis d'un journaliste de Première puissamment mis en exergue sur l'affiche ne suffira pas à me convaincre complètement: parler du film le plus cool jamais retourné serait une façon étrange d'oublier ce que les années 50 à 70 ont pu proposer de décoiffant, ce serait par exemple oublier le Rat Pack, Lalo Shiffrin, Steve McQueen. ...Et tous les autres.
La réunion historique de la sud-est connexion (tous les 5 ans réunie autour d'un film de voitures), composée d'un poney rose (qui n'a jamais vu un film de John Ford) et d'un Ukhbar péruvien de passage exceptionnel dans le sud de la France, était unanime: il manquait quelque chose à ce film pour nous emmener vers les horizons fous-fous qui nous étaient promis.
Un truc parfait pour l'été, mais qui aura sans doute un peu de mal à passer l'hiver (qui est par ailleurs enfin arrivé sur HBO). Au fond, un peu comme une sorte de cornetto, un truc qui colle agréablement aux doigts jusqu'à ce qu'on lui passe un coup d'eau dessus, et qui ne laisse que le bon souvenir lié à la saison.