(Sautez ce § pour passer un storytelling foireux) Il est 20h en ce jeudi soir de Juillet, la séance est à 20h15, le cinéma à 25 minutes (source : Google Maps) et me voilà, contre toute logique, démarrant ma Peugeot Partner (qui sera dans cette critique une Fefe rutilante), et, mettant pied au plancher, j'atteins rapidement les 100 dans mon patelin. Je ne sais pas si c'est le pitch du film ou les critiques lues ou entendues jusque là mais une partie de moi ne voulait pas rater cette séance et aimer conduire en rythme (ici de Volcano de Temples, avis aux amateurs) dans cet état d'extralucidité du conducteur en retard (ce message est approuvé par la Sécurité Routière). Le problème, c'est que l'autre partie de moi a vite repris le dessus quand ma Fefe faisait du 2 roues dans un rond-point, et elle me disait : "Hé Barnabé (prénom modifié par la rédaction), va pas te foutre sur le toit ! T'as même pas vu un film de cette fichue trilogie du Miko et tu te rappelles à peine de Scott Pilgrim !". Je n'aime pas cette partie de moi et j'arrive au ciné à 20h20 (c'est dire si je la respecte pas). Et quelle fut ma surprise quand le caissier, devant mon air pressé, me rassura : "La séance commence dans 10 minutes" ! En bon hipster de merde habitué des salles de ciné indépendant, je me surpris à louer les Méga CGR qui ont pourtant ruiné toute l'épicité de cette intro...brrrrref...
Ce film expose l'histoire de Baby, chauffeur surdoué dès son plus jeune âge qui a du se mettre au service de braqueurs de banques suite à des démêlés avec un influent mafieux (Kevin Spacey). Alors qu'il arrive à la fin de son « contrat » et qu'il sort enfin avec son crush Deborah, il croit pouvoir raccrocher les gants de conduite et s'éloigner de ses mauvaises fréquentations , à tort...
Centrer l'intrigue sur ce genre personnage est un parti-pris osé qu'Edgard Wright va exploiter à fond pour créer un OFNI du film d'action « vroum vroum ». En effet, gravitant autour de l'opération de braquage, le chauffeur a un rôle particulier et traverse 3 phases auxquelles Wright va faire correspondre 3 genres cinématographiques qu'il maîtrise : l'approche, la partie "comédie" , au cours de laquelle Baby, oreillettes vissées dans les oreilles, ne participe pas, contrairement à ses collègues qui se branchent, s'invectivent de façon gênante (du grand Jamie Foxx) ou commettent des foirades avant même l'opération (référence à la référence à Michael Myers) ; le braquage, la partie « film musicale » (voir partie sur l'harmonisation du réel) au cours de laquelle Baby se retrouve enfin seul et dévoile au spectateur son jardin secret, qui n'est d'autre que sa playlist qu'envierait les pionniers de Sens Critique, et son goût pour danser et faire danser sa voiture et plus généralement son environnement ; et enfin, la poursuite, la partie « film d'action de type vroum x2 » parce qu'à un 'ment donné faut filer aux gens ce que tu leur a promis et tant qu'à faire autant casser des culs, à base de rapports aussi secs que les cuts de le réal et des trajectoires aussi tendax que les scène de poursuite. A côté de ça, Wright agrémente le tout de scènes de « teen movie » plaisantes même si un peu mièvres (plan séquence tournoyant pour jeux de séduction ou construction du personnage « doudou » du tuteur handicapé de Baby)
La première scène, fait apparaître deux premiers indices sur ce que va être le film en terme de scénario et de réalisation : 1) Baby s'est construit un monde intérieur où la musique réenchante une réalité qu'il préfère éviter; 2) Wright nous emmène sur un terrain un peu oublié , celui de **l'harmonisation du réel** dans le cinéma commercial, exercice rarement tenté ces derniers temps (même si les Gardiens de la Galaxie 2 me fait mentir). Et là, vous vous dites mais qu'est-ce ? L'harmonisation du réel est un art auquel beaucoup de monde s'adonne par la pensée sans le savoir, je m'explique : qui n'a pas, un jour dans la rue, marché au rythme de la musique qu'il avait dans les oreilles, ou encore ne s'est pas, dans un train, surpris de voir surgir par la fenêtre qui défile des arbres, des maisons ou des panneaux en rythme avec la musique comme si le réel n'était qu'un vidéo clip de ce que nous entendions ? (Filez voir le clip de *Star Guitar* des Chemicals Brother si vous ne voyez pas la réf) Représenter ces sensations est une autre paire de manches. (Cela à d'ailleurs donné naissance à un courant artistique dont la figure de proue actuelle est l'expérimentateur Chassol). Côté Wright, on fait évoluer son personnage au sein d'une image qui s'articule parfaitement avec la musique qui elle-même s'articule à l'image par le biais d'arrangements sonores (l'exemple le plus réussi de cela étant sur *Bellbottoms* de The Jon Spencer Blues Explosion). Côté Baby, on orchestre ses braquages depuis son iPod, faisant même recommencer le départ ses collègues s'ils ne partent pas dans les temps. Cet aspect quasi-psychotique dans ses choix musicaux est, en fait, pour lui une façon de s'éloigner de la violence des braquages, de chasser les démons de la mort de ses parents dans un accident auquel est constamment renvoyé Baby par les acouphènes qu'il a depuis. Wright utilise des sons stridents pour représenter l'isolement au monde du conducteur quand il n'a pas sa musique (notamment dans une scène de poursuite à pied) . Seule Deborah semble lui permettre de ne pas trop entendre ce cri du passé. Vis-à-vis de ses associés, Baby ne semble d'ailleurs pas pouvoir interagir véritablement causant de nombreux malentendus (lol) ou de sous-entendus qu'il ne peut comprendre (les « tu me suis (?) » de son chef entre autres). En plus, autant musicalement que dans l'imprévisibilité et le génie de sa conduite, Baby offre à ses associés une image qu'ils ne peuvent comprendre que superficiellement.
On peut d'ailleurs faire un parallèle entre la relation de Baby et le banditisme et la relation de Wright et le cinéma d'action. Tout deux offrant une garantie de résultats en prenant des chemins alternatifs aux habitudes du milieu. Ils séduisent à la fois le partenaire/spectateur bourrin comme le fin tacticien/cinéphile puisqu'ils soignent autant le fond que la forme. Et musicalement Wright suit cette logique en désamorçant les intros de Jump Around de House of Pain ou The Next Episode de Snoop Dogg, surprenant le spectateur mélomane moyen (que je suis), pour laisser place aux samples originaux (ici Harlem Shuffle de Bob & Earl et The Edge de David McCallum). Pareil quand il s'agit de caser du Queen, du Blur ou du Beck en scred : il ne prend pas les titres les plus connus ou évidents mais ceux qui lui paraissent les plus pertinents. Par ailleurs, la musique, de par son rythme, son décalage ou son absence, offre plusieurs niveaux de lecture à certaines scènes même si on peut juger certains choix sont grossiers tant elles poussent au burlesque (Never, Never gonna give you up de Barry White me vient directement à l'esprit).
**Du côté technique**, on retrouve Bill Pope (*Matrix, Spider Man 3, Scott Pilgrim*) à la photographie, maître ès lumière et couleurs, bien épaulé par les responsables costumes et décors, pour **un rendu oscillant entre fantaisie et noirceur et cet aspect un peu jeu vidéo** (le film a grave un potentiel en la matière, non?). Les scènes de préparation d'opération sont celles qui m'ont paru les plus brillantes par leur maîtrise minimaliste : les gars ont fait le taf de façon hyper froide et millimétré. Au niveau du jeu, les acteurs ne sont pas poussés dans leur retranchement : Spacey en mafieux, Foxx en bandit marteau, Elgort en adulescent cherchant à s'affranchir d'un monde d'adulte attendant de lui ce qu'il n'est pas. Donc forcément, ça passe mais pas de révélations (si ce n'est Lily James en girl next door 80's convaincante).
Au final, Baby Driver est un film qui brille de par son décalage par rapport aux canons du genre, sa symbolique musicale et sa maîtrise technique mais qui manque sans doute d'un peu de profondeur pour pouvoir s'élever au rang d'un Mad Max au panthéon de l'entertainment automobile. Quoiqu'il en soit, Edgar Wright fait partie de ses réalisateurs qui redonnent ses lettres d'honneurs à la comédie d'action américaine et reste frais dans sa réalisation. Pour reprendre la comparaison ci-dessus (tu la sens ma grosse... fierté?), le juvénile Wright est Baby, imprévisiblement génial, consensuel et incompris.
**(Sautez jusqu'au prochain bouton « oui » pour passer le storytelling final toujours aussi foireux)**
La séance se termine, les lumières se rallument, je rejoins la fefe dans la nuit. La musique démarre et à la question « was he slow ? », les condés on répondu « non ».