Aisément considéré comme un des favoris du nouveau « cinéma vérité » français, le nouveau long-métrage de Cédric Jimenez, revenant après avoir joué les Friedkin avec son polar La French (2014), puis HHhH (2017), s'impose d'emblée comme un des drames majeurs de Cannes cette année, et sans doute le meilleur de sa filmographie déjà riche en la matière.
Plus réaliste, et sans doute moins universel que Les Misérables dont la comparaison me paraît inévitable, et surtout pas aussi « réac » que certaines rédactions laissent transparaître, BAC Nord se prête avant tout au jeu du thriller qui va à cent à l'heure puisant en guise de toile de fond dans une affaire survenue au sein de la cité natale du cinéaste.
S'il ne brille pas foncièrement par ses nuances de caractères, la force du propos du film réside dans sa faculté à rendre un cadre spatial réel à la sécurité plus qu'incertaine comme espace propice à un résultat pour autant bluffant de cinématographie: esthétique momentanément clipesque, rythme haletant, critique sous-jacente pour le moins désaltérante qui ne prend jamais le pas sur l'intrigue. Dénués d'empathie et identifiables à la fois, le trio principal fonctionne autant pour la pitié qu'il suscite que pour la capacité des comédiens à se faire miroir à de nombreuses reprises des réactions du spectateur s'il se trouvait à leur place.
François Civil trouve à nouveau un rôle à sa mesure rappelant ce que Baudry/Lanzac lui avait concocté dans Le Chant du loup, en incarnant Antoine, le plus jeune et le plus innocent membre du groupe partagé entre le devoir et ses sentiments. Greg (Gilles Lellouche), la grande gueule, secondé par Yass (Karim Leklou), ne font pas moins mouche.
Pris pour ce qu'il n'était pas censé être, BAC Nord souffre justement de n'être jamais dans le déni, et c'est paradoxalement sa force-vive : il dérange, et questionne sans cesse notre foi par rapport aux forces de l'ordre. Cependant, la radicalité de ses choix ethniques et scénaristiques laissera évidemment une partie de la critique et du public sur le carreau. Un grand problème socio-politique n'aurait pu connaître adaptation plus féroce, tragique et passionnante que sous la houlette de Jimenez, traitant subtilement des rapports de classe que de questionnements plus ancestraux.