Snobant les salles obscures car trop intimidé par la sortie simultanée de la (au demeurant générique) suite du film avec les hommes bleus, Glass Onion: Une histoire à couteaux tirés n'en demeure pas moins synchro avec son prédécesseur pour l'heure où retentit le début des congés de fin d'année. La sortie attendue de ce nouvel opus est marquée par une promo quasi-absente, et dont l'avant-première parisienne s'est fraîchement déroulée dans le plus grand secret, et sa découverte particulière en petit comité avec mes semblables ; un comble plaisant pour un film se basant sur un petit groupe esseulé soumis au mystère. Rian Johnson nous avait prévenus qu'il y aurait des surprises ! Et pas des moindres, puisque Glass Onion rejoint la liste des séquelles attendues les plus réussies de l'année, exercice dont il a su tirer des leçons depuis le bilan mitigé - mais à mes yeux, plus qu'appréciable - des Derniers Jedi en 2017.
On change complètement de cadre spatial, l'obscur manoir britannique de Christopher Plummer laissant place à celui, bien plus moderne, d'Edward Norton sur une île privée en Grèce, nous rapprochant davantage d'un Dix petits n... que du cluedo élaboré dans le premier volet. Déployer le récit au sein de paysages de rêves, appartenant ici au pays de la Callas, des fils d'Aphrodite et de Costa-Gavras, peut soumettre le cinéaste à la tentation de plonger dans un contemplatif lancinant et délaisser l'intrigue en prétextant un développement esthétique confus. Pour notre plus grand bonheur, ce parti-pris est favorable à tirer parti de nombre d'éléments oppressants, comme la perspective d'isolement exigé par l'île, la vastitude des décors et les faux-semblants amorcés par l'intrigue dans son déclenchement.
Effectivement, Johnson assume davantage que son enquête s'inspirer du Cluedo, avec cette introduction prétextant un jeu pour déployer le fil rouge de l'enquête, et le mystère se base dans un premier temps entièrement dessus, évitant de tomber dans le Fincher bis repetita. La seconde partie apporte un nouveau souffle à l'enquête tout en conservant les faux-semblants déployés en permanence avec générosité. Si elle débouche sur un dénouement quelque peu précipité, l'ensemble trouve un bon rythme et s'avère aussi palpitant mais plus drôle que l'ensemble du premier volet.
Glass Onion réussit là où un insipide Mort sur le Nil made in Branagh se gourre jusqu'à la moëlle, puisque c'est un divertissement inscrit dans l'ère du temps, ne prétendant donc pas une quelconque reconstitution historique bancale ; auquel cas il a parfaitement conscience de ce qui n'est plus adaptable en provenance des matériaux de base qui l'inspire, et en rit autant que nous.
Si l'humour penche principalement là-dessus, il demeure parfaitement bien dosé puisqu'il tire parti de certains éléments éphémères à l'histoire pour servir certains running gags.
Celui du thème de Philip Glass conçu spécialement (selon ses dires, du moins) pour chaque surgissement de la part de Dave Bautista, disparaît à jamais aussitôt que le personnage disparaît à la fin du premier quart.
Par d'autres occurrences, on s'attarde furtivement sur l'anti-stéréotype, à savoir celui du personnage asiatique plus intelligent que ses congénères pour citer le plus évident, et de manière tellement conscience que même les comédiens - Craig et Norton en premiers, remplis d'autodérision et d'autocitations - semblent s'amuser comme des petits fous.
Le talent de metteur en scène de Johnson n'est désormais plus à prouver, alternant ici entre concepts ouvertement kitschs et d'autres plus innovants, montés sans temps mort à tel point qu'on se surprend par moment à être déconcertés par la redondance de certains plans, chronologiques ou dans une perspective de flashback.
Riche en références, en caméos cachés ou inattendus et rempli de perspectives, toutes les cases sont cochées pour cette séquelle quasi-irréprochable, hélas en voie de souffrir de la concurrence de moyens de diffusion, mais dont la diffusion éphémère en quelques salles n'est guère à négliger.