Accusé d'être une propagande d’extrême-droite par certaines critiques au Festival de Cannes, le récit suit le parcours de trois policiers de la Bac Nord de Marseille plongés dans une affaire de corruption.
Parlons film avant de parler polémique
D’emblée, Bac Nord nous épargne une longue présentation des différents personnages en adoptant un regard voyeuriste et une approche quasi-documentaire. L’immersion réaliste et intensive sera l’objectif principal de ce film qui agit comme une étude de la criminalité au cœur des zones les plus dangereuses de la ville. Choix judicieux, s’il en est, puisque les tentatives d’une accroche émotionnelle chez certains personnages sont suffisamment hasardeuses pour s’apparenter à une mauvaise blague. Pour cette raison, on restera indifférent au cas de Adèle Exarchopoulos qui ne prendra qu’un rôle cliché et inconsistant.
L’accroche émotionnelle se situera plutôt chez le trio qui suscite une véritable empathie même si elle est présentée d’une manière trop secondaire. Les trois policiers sont assez caricaturaux, mais c'est une raison insuffisante pour ne pas les aimer. Tous se tiennent et tous se soutiennent, notamment avec quelques touches d’humour, même si c’est François Civil qui sort du lot en incarnant une forte virilité au grand cœur. Un casting brillant dans son ensemble qui nous désigne assurément les valeurs sûres du cinéma français.
Lorsque la dynamique du trio s’enclenche dans le quotidien des policiers, l’académisme narratif de l’intrigue mute en une chose plus sérieuse et plus profonde. On y décèle explicitement une critique à l’encontre de l’abandon des policiers par de nombreux acteurs notamment la hiérarchie policière mais aussi le gouvernement. Cet abandon est admirablement démontré par le savoir-faire de Jimenez. Avec sa caméra, il propose une mise en scène implacable et capable de filmer des scènes musclées d’une rare intensité. Une bravoure phénoménale qui s’estompe pourtant lors de sa conclusion qui manque paradoxalement de poigne.
Polémique : à l’assaut du 7e Art
Parce qu’aujourd’hui il est de plus en plus difficile pour un film à consonance politique de ne pas faire face à une polémique, on est contraint d’entrer dans une guerre d’opinions aussi absconse que celle-ci alors qu’on préférerait parler simplement de cinéma.
Bac Nord serait une propagande d’extrême-droite, une œuvre pro-flic, un film qui fait le jeu du RN. Si ce vocabulaire ne vous est pas inconnu c’est parce que la mélodie stridente et malsaine de nos chers inquisiteurs modernes est toujours la même. Par ces termes, c’est la condamnation ferme d’une audace qui vise à dévoiler une réalité de terrain que beaucoup ne souhaitent pas voir. Pourtant, entre les règlements de comptes, les zones de non-droit, l’impuissance des policiers, et une hiérarchie « sourdaveugle », Marseille figure parmi les villes qui abritent des lieux plus que dangereux.
Mais contrairement à ce que j’ai pu lire ici et là, il est question d’apporter de la nuance. Ainsi, les policiers ne sont pas des chevaliers blancs irréprochables car ils doivent parfois bafouer la loi pour lutter contre le crime. Dans une même idée, on nous parle de citoyens qui vivent pourtant dans ces quartiers violents mais qui attendent désespérément que la police arrange la situation. C’est au final une œuvre qui prend autant la défense des policiers que celle des citoyens honnêtes qui sont contraints de vivre au cœur de cette insécurité et même de se blesser moralement contre celle-ci. De quoi rejeter l’opinion d’un récit manichéen entre flics et voyous.
Certes, c’est une part de souffrance que le film s’approprie pour en dévoiler les causes et les conséquences. Malgré cela, il y a cette impression presque habituelle que les principales discussions autour du film ne sont pas les bonnes. Plutôt qu’une fracture de la société entre les policiers et les quartiers, j’y vois davantage un abandon de l’État qui laisse toutes ces personnes, flics, honnêtes citoyens, et même voyous, s’enfoncer et s’abimer dans cet abîme où règne la douleur et le désespoir. Avant tout, c’est une critique brutale mais nécessaire à l’encontre des politiques successives qui laissent pourrir des Cités jusqu’à l’approche d’une nouvelle élection avant de s’y désintéresser de nouveau. Dans tous les cas, Bac Nord rééquilibre la balance des opinions politiques dans le paysage cinématographique. Il est important de le faire coexister avec des films comme « Les Misérables » de Ladj Ly au nom du droit au cinéma de porter librement ses idées qu’elles soient populaires ou non. On ne saurait légitimer l’accès à une pensée unique chez le 7e Art.
Conclusion :
Loin de la polémique qui le cible, Bac Nord est un docu-fiction qui divise alors qu’il n’est coupable que d’être le porteur d’une idée à contre-courant. Beaucoup de bruit pour pas grand-chose donc, car le reste du présent métrage constitue un idéal thriller efficace qui promet un honnête divertissement brillant par sa technique et son montage.
Tu ne sais rien des quartiers Nord !