Poussée par sa hiérarchie, la BAC Nord, brigade de terrain, cherche sans cesse à améliorer ses résultats. Dans un secteur à haut risque, les flics adaptent leurs méthodes, franchissant parfois la ligne jaune. Jusqu'au jour où le système judiciaire se retourne contre eux…
BAC Nord est un thriller français tirée d'une histoire vraie de Cedric Jimenez de 2020.
Un film pro flic?
A priori, je ne souhaitais pas aller voir Bac Nord. Je n'ai pas trop d'affection pour ce genre de films dont le parti pris anthropologique compassionnel systématique m'agace prodigieusement. Présenté à Cannes par un journaliste irlandais comme un film opportuniste à l'approche des élections présidentielles, "descendu en flèche" par le quotidien Libération, Bac Nord a fini par titiller ma curiosité.
Après l'avoir vu, je trouve que BAC Nord n'est pas pro flics (contrairement par exemple à Troupe d'élite de José Padilha ou à la série des Inspecteur Harry). Le trio de policiers ne fera rêver personne. Quant aux délinquants, le film ne les présente pas comme des éternelles victimes, martyrs maudits du fatum, et ça, c'est plutôt bien.
Un film immersif efficace
Bac Nord "tient le spectateur en haleine" pendant les 2 premiers tiers du film. D'entrée, on voit le trio de la Bac Nord entrer en force dans une cité pour arrêter un trafiquant. La réalisation est efficace et nerveuse, on s'y croirait. Dans leur travail de tous les jours, les trois brigadiers sont confrontés à la quadrature du cercle : faire du chiffre mais ne pas faire de vagues... Refoulés presque quotidiennement des "quartiers chauds" par des délinquants provocateurs, conscients de leur quasi impunité, Greg, Antoine et Yass, jamais idéalisés, montrent les muscles un peu vainement en évitant toujours de peu le dérapage.
Suite aux renseignements fournis par une indic (Sans les aviseurs, pas de saisies de drogues...), encouragé par la hiérarchie, le trio monte une grosse opération qui consiste à mettre la main sur une livraison d'herbe dans un appartement nourrice.
Pour rémunérer l'indicatrice, les 3 hommes vont avoir l'idée de saisir la drogue achetée par les consommateurs au sortir des points de deal. L'information obtenue, la BAC Nord fait une descente avec de gros moyens, saisit la drogue et repart sous les rafales de Kalachnikov. On mesure bien devant la violence de cette séquence ce que les mots "Zone de non droit" signifient.... """
Durant ses deux premiers tiers, le film est assez passionnant et pédagogique. Le renseignement policier (comme celui d'autres administrations luttant contre les trafics) s'appuie effectivement presque exclusivement sur le renseignement rémunéré des aviseurs (appelés "balances" par leurs voisins délinquants de cités). Le statut des aviseurs prévoit que seul leur agent de référence connait leur identité.
Lâché par leur hiérarchie, présenté par les médias et les politiques comme des ripoux faisant du trafic de stupéfiants, le trio de policier ne peut voir venir son salut qu'en communiquant à l'IGPN (toujours très zélée en pareil cas) l'identité de l'aviseur, ce qui constitue un grave manquement à la déontologie. Cela finira pourtant par arriver afin que les trois hommes puissent sortir de prison.
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Moins étincelant dans sa dernière partie, le film souffre surtout du jeu peu inspiré de Gilles Lellouche qui manque de sobriété une fois derrière les barreaux, contrairement à François Civil et Karim Leklou, tous deux bien plus convaincants.
Accablant pour la classe politique et la hiérarchie policière confortablement assise dans les bureaux, BAC Nord restitue plutôt bien la situation de certains quartiers confrontés au trafic de drogue et les efforts souvent vains de la police pour contrecarrer les plans des dealers. Les faits divers qui se sont produits dans la banlieue de Marseille les 21 et 22 août 2021 confirment cette violence désinhibée entre des bandes de trafiquants qui se livrent une "lutte à mort".
Dans une France "bien pensante", cornaquée par les médias et les associations où "ceux qui sont aux manettes" depuis 40 ans présentent notre Etat de droit (figé et peu pragmatique) comme un horizon indépassable, BAC Nord vulgarise plutôt pas mal dans sa continuité un cas concret d'affrontement police/dealers qui se termine de façon dramatique pour les forces de l'ordre.
Si le trait est appuyé et que le film suscite, chez certains, des réactions de "vierges effarouchées", le constat est sans appel.
Renvoyant dos à dos, pour des raisons différentes, la police, les politiques et les délinquants au terme de cette fiction plutôt amère, Cédric Jimenez rappelle avec cette fiction adaptée de faits réels combien il est difficile pour la police de lutter contre le trafic de drogues sans "franchir le Rubicon".
Ma note: 7/10