Trois semaines se sont écoulées et il me fallait bien ça avant d’écrire mon avis sur Bac Nord, ralentir les images et les flashes dans ma tête. Car le film sur-vitaminé de Cédric Jimenez est du grand spectacle qui vous souffle et vous fait un peu perdre de votre jugement, ébloui par ses lumières et sa musique. On ressent tout de suite l’influence américaine du réalisateur, qui a vécu aux États-Unis et nous livre un mélange de styles et de lieux, du rock garage américain au rap, à l’électro des années 70 ou encore à la chanson française, des plans bien cadrés et un scénario sans digression.
Sur la forme donc, Bac Nord est un solide divertissement, et l’assaut de l’immeuble est une scène incroyable de tension. Il évite l’écueil du film français trop cérébral et minutieux sans perdre ce côté bien franchouillard par moments. Il mérite ce titre de film choc, car sa maîtrise des codes et ses excès en font un film qui bouscule et assomme. Les acteurs sont bons — après je ne peux pas juger l’accent — ils y croient et ils ont de l’alchimie entre eux. Le trio fonctionne à merveille, et tous les rend sympathiques.
Maintenant, là où tout se cristallise c’est bien sûr le fond. On démarre ainsi le film avec cet étrange carton qui nous dit à la fois que le film est tiré d’une histoire vraie mais que les personnages sont un peu fictifs et que le film ne prendrait pas parti. C’est que l’affaire est sensible et en cours, sur des policiers qui ont dépassé les limites, ont basculé. A l’inverse des Misérables qui mettaient en scène les différents protagonistes et les différents « côtés », en se concentrant uniquement sur les policiers, Cédric Jimenez prend parti. En les présentant à la fin comme transcendant cette épreuve, le réalisateur les place en position de héros, victimes du système. Au risque de reléguer trop en arrière-plan sa critique de la politique absurde du chiffre, la politisation de la police et les pressions qu’ils subissent. Les éléments sont là, mais amoindris par une dernière partie plus psychologique, où le trio alors séparé perd en intensité.
Des banlieues on ne retiendra pas grand-chose si ce n’est ce qu’on voit habituellement, pointant la désertion des politiques et pouvoirs publics hors temps électoral. C’était d’ailleurs tristement drôle de voir le préfet s’activer et mettre un coup de pression à la police après le passage du Président à Marseille. Cependant on retient du film qu’elles sont là aussi filmées de manière efficace : la banlieue est vue comme un être vivant, soudé mais changeant. Bac Nord ne mérite ni les ovations ni les insultes, c’est un film percutant mais limité sur le fond.