Déjà détenteur d’une Palme d’Or pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours en 2007, le réalisateur roumain Cristian Mungiu a reçu cette année le prix de la mise en scène pour son nouveau film qui aurait largement mérité la récompense suprême, de même qu’un prix d’interprétation pour son acteur principal. Un médecin à l’apparence calme et placide qui a placé tous ses espoirs dans sa fille, future bachelière qui doit intégrer une université en Angleterre pour fuir l’avenir bouché qui l’attendrait dans son pays. Hormis cette fenêtre d’espoir dans laquelle il a mis toute son énergie, l’existence du médecin entre une femme dépressive et une maitresse en attente d’engagement est terne et routinière. L’agression de sa fille à la veille de l’examen va ébranler la construction méthodique et ancienne de son projet.


Nous sommes en face d’un film puissamment moral et dense où il est d’abord question de responsabilité. Celle des actes qu’on peut être amené à commettre pour le bien d’une personne contre sa volonté, ou plus exactement sans qu’elle le sache ou qu’elle ait donné son assentiment. Le praticien intègre qui n’est pas du genre à accepter une enveloppe pour une opération doit néanmoins envisager des arrangements, voire des compromissions, par l’entregent d’un réseau influent pour permettre à sa fille d’obtenir des résultats suffisamment bons pour mener à bien son expatriation. C’est donc aussi l’histoire d’un dérèglement qui se manifeste par des signes précurseurs : une pierre jetée dans une vitre de son appartement, un pare-brise fracassé, un accident de voiture évité de justesse.


L’homme qui semble tout prendre en charge avec patience et humeur égale : la mélancolie de son épouse, la santé de sa mère, le fils dyslexique de sa maitresse, le plan de carrière de sa fille met donc en place une stratégie dont il ne maitrise pas alors les conséquences. Le réalisateur de Au-delà des collines alterne dans une mise en scène précise et ciselée les séquences de mouvements et de longs échanges où la tension s’accroit sans qu’on pressente vers quelle issue elle pourrait exploser.


Cette année, deux médecins auront été au centre de films tenant du thriller social et de la parabole morale : La Fille inconnue des Dardenne et Roméo aujourd’hui au cœur de ce très grand film au souffle épique qui ne connait guère de pause. Parti d’un enjeu bénin, Baccalauréat se déploie dans une dramaturgie maitrisée qui évite tout débordement grâce à une observation subtile et rigoureuse de son héros, et à travers lui du délitement d’une société où l’influence, le passe-droit et le détournement constituent les seules ressources d’entrevoir de sortir du marasme, sinon du cloaque. Mais il a aussi le mérite de ne jamais simplifier et de montrer aussi comment cohabitent chez un même individu la droiture et l’adaptation aux circonstances, fût-elle animée des meilleures intentions. La fin doit-elle toujours justifier les moyens : voilà bien le dilemme essentiel qu’il prend en charge.

PatrickBraganti
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le 9 déc. 2016

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