Louder Than Bombs est un film d’images, un film sur les images – comprenons, les photographies que prend Isabelle –, un film sur l’image que l’on se fait de quelqu’un et que l’on substitue à la réalité. Le long métrage de Joachim Trier est obsédé par l’idée de place : ses personnages souffrent d’une position qui les met dans un entre-deux invivable et toxique, ils affrontent un quotidien plus lourd et plus bruyant que les bombes qui envoyèrent la mère à l’hôpital, comme le programme d’entrée de jeu le titre original. Jonah louvoie entre un nouveau foyer dont l’émergence dans sa vie fut aussi subite que déstabilisante et la pulvérisation de l’unité familiale initiale, Gene est écartelé entre les promesses d’un retour et les infidélités à répétition. C’est alors à Conrad que revient l’opportunité de conjurer cette malédiction par le biais de l’expression et de la littérature, son texte imprimé et déposé sur le paillasson de celle qu’il aime devenant le conservatoire d’un rapport douloureux au monde et à soi, l’occasion d’une concrétisation nocturne de ses fantasmes adolescents sous la forme évanescente d’un rêve, ce qui donne lieu à la plus belle séquence du film.
En dépit de longueurs, d’une esthétisation parfois rutilante de l’image et d’un dolorisme trop appuyé, Louder Than Bombs propose une réflexion pertinente sur la notion de « chez soi », Isabelle n’étant chez elle qu’ailleurs, au travail, étrangère à une maison qui ne lui accorde aucune place, aucune nécessité ; il tire de l’incommunicabilité entre les êtres un désarroi source de vertige et de perte de repères, pouvant aller jusqu’à l’engloutissement individuel. Le choix d’un casting international insiste sur cette incompréhension qui unit des singularités, aussi opaques que mystérieuses.