Back Home (Louder than bombs dans la version originale finalement rebaptisée suite aux attentats de novembre 2015) est un film intéressant à plus d'un titre (c'est le cas de le dire).
D'abord, Joachim Trier est un créatif : sa mise en scène est un des atouts du film : construction, montage, narration, focalisation...le cinéaste norvégien exploite toute la palette mise à sa disposition. Son écriture cinématographique possède cette virtuosité, cette inventivité que l'on retrouve chez quelques cinéastes de la nouvelle génération (Xavier Dolan notamment). On aime ou on aime pas mais c'est quand même du beau boulot.
Autre aspect particulièrement réussi du film, l'incursion via le journal de Conrad, dans les univers virtuels, ceux des vidéos gags, des jeux de baston et des réseaux en tous genres. Qu'un film passe par l'écrit (le journal de Conrad) pour nous introduire dans l'immatérialité d'autres écrans - ceux d'internet, des portables...- est une idée vraiment intéressante. Et que le père passe par un jeu en ligne pour rencontrer son fils - et finir découpé en morceaux - est tout un symbole.
Le film pose une question fondamentale, en tout cas du point de vue de la fiction cinématographique : celle de la vérité des individus (et donc des personnages). La famille Reed est constituée de quatre personnes, le père, la mère, les deux garçons, dont aucune n'est vraiment compréhensible par les autres chacun s'évertuant à cacher son identité véritable ou ses sentiments profonds.
La mère d'abord : ses absences professionnelles cachent en réalité une relation sentimentale et le questionnement sur son accident/suicide laisse supposer qu'aucun de ses proches n'a jamais réussi à voir clair en elle.
Le père : il passe son temps à surveiller son fils tout en entretenant une relation qu'il ne réussit jamais à assumer.
Jonah : le fils à qui tout a réussi, semble-il, mais qui souffre psychologiquement d'une frustration dont la nature n'est jamais réellement explicitée.
Conrad enfin, fliqué par son père, est peut être le personnage le plus "vrai" du moins celui qui aspire le plus à la transparence. Si dans un premier temps Conrad nous apparait comme un ado mal dégrossi et mal dans sa peau c'est précisément parce que nous le découvrons par les yeux de son père qui le suit partout, persuadé que son fils file un mauvais coton. Mais c'est une illusion, un fantasme, dont nous sommes nous même, nous spectateurs, les victimes : le spectacle inquiétant que nous livre le personnage de Conrad dans la scène où il est suivi par son père est d'une renversante construction. Ce n'est pas le père qui sait des choses sur son fils (et nous avec) par le biais de cette surveillance mais bien Conrad qui met en scène le comportement absurde et inquiétant que son père soupçonne.
Car en réalité, Conrad est bien plus fort et cohérent qu'il ne parait. Il est certes maigrelet et boutonneux mais il a un univers bien à lui et des projets sentimentaux. Ainsi Conrad s'inscrit en faux contre l'opacité, contre les mensonges par omission qui semblent toucher le reste de sa famille. Son journal intime, résumé loufoque et tendre de son identité de jeune de son temps est brandi comme une sorte de manifeste face à la "réussite" matérielle de son grand frère. Celui-ci s'empresse de mettre en garde Conrad quant à son projet d'utiliser son journal pour séduire la jeune fille dont il est épris.
Mais Back Home donne finalement raison à Conrad et bat en brèche les préjugés. C'est la victoire de la vérité sur le mensonge, de la transparence sur l'opacité, de l'intégrité sur l'apparence.
Un film vraiment intéressant.
Personnages/Interprétation : 9/10
Mise en scène : 9/10
Scénario/hisoire : 7/10
8.5 /10