Backcountry est de ces petits films sympathiques qui te donnent envie de prendre ton sac et de partir découvrir le monde avant de te rappeler qu’en dehors des sécurités du quotidien qu’on passe son temps à accuser, tout, dehors, est relativement enclin à te meuler la face si besoin est.
J’aime ces DTV généreux qui s’en vont explorer la beauté d’un coin géographique reculé et tentent d’y planter le décor idéal pour la mise en scène efficace d’une traque quelconque, sujet simple et requérant peu de moyens, ayant enfanté quelques petites réussites déjà (et des monceaux de bouses, certes). C’est ces films à la photographie relativement impersonnelle mais soignée, tentant de tirer parti de la beauté de leur terre d’écueil pour extraire tout le paradoxe strictement humain d’une nature aussi magnifique que mortelle. On pense à Black Water, The Reef, Rogue ou Open Water voire même au Territoire des loups et on se dit que l’épuration est arme là où la suggestion se doit de se faire maîtresse des lieux. Souvent, c’est un sujet aquatique, la surface de l’eau permettant tout le mystère que demande une telle entreprise minimaliste. D'autres fois, plus rarement, on a affaire aux remparts forestiers et tous les bruissements de fougères et craquements de bois mort qui vont avec ces contrées évocatrices.
Backcountry n’est pas à proprement parler un film de traque, c’est une plongée au cœur de la forêt qui se paye le luxe d’explorer quelques facettes d’un être humain en perdition. Délaissant toute surenchère pour l’élaboration d’une atmosphère constamment anxiogène, on se retrouve dans une version survival du Petit Chaperon Rouge qui sait tirer parti de son histoire, de ses idées et de son contexte. Chaque plan est sublimé par une image certes sans grande originalité mais dont la propreté a le mérite d’embrasser la plantureuse beauté des paysages canadiens, réels personnages principaux du film. L’ambiance est placée d’emblée, avec un couple partagé entre type euphorique et sûr de lui et femme soudée à son portable et effrayée par les ratons laveurs, classique mais se dispensant heureusement des ados criards... Il va de soit que celui qui est habitué à ce genre de film ne sera pas surpris une seconde par ce qui suivra. Par contre, si on tient compte du fait qu’aucun film d’ours ne s'est avéré potable depuis 1976, la qualité de mise en scène de cette grosse masse de poils et de crocs prend soudainement une valeur remarquable méritant d’être saluée. La bête est amenée comme un animal en quête de nourriture déplaçant son pas pesant, ses griffes et son souffle embué au gré des opportunités dans la douillette tranquillité aménagée par les sommets souverains de la chaîne alimentaire. Ce n’est pas plus un “tueur” que son statut de prédateur l’exige, il n’est pas dirigé par un désir de sang ou de violence brute, il répond à des besoins vitaux et en ça, ses apparitions brèves et restreintes sur l’ensemble du métrage sont une force. Force qui n’est que décuplée par la beauté de l’animal, un ours noir splendide, massif, monument de force tranquille ou déchaînée mais surtout curieuse de ce que peuvent bien cacher ces dômes de toile d'où sortent des sons et des mouvements brusques. L'animal cherche, renâcle, fourre son gros mufle contre la tente et dessine sa tête colossale en ombre chinoise au dessus des corps endormis au petit matin avant de s'en retourner vers des occupations certainement bien plus enivrantes. On notera tout d'même que pour des raisons scénaristiques, l'ursidé court beaucoup moins vite qu’habituellement et ne sait plus monter aux arbres (un ours noir qui monte plus aux arbres, c’est comme un ours polaire qui ne sait pas nager…).
C’est l’histoire classique de la nana qui devient Rambo en une demi-journée par la force des choses, se rafistole avec des bouts de bois et un chiffon et bat un super prédateur à la course. Mais c’est beau, finement gaulé et empreint d’une grande sobriété bienvenue. C’est encore une fois la mise en scène de l’humain “évolué” face à l’indifférence de la nature dans son combat antédiluvien pour la survie. Du passage d'une chaîne alimentaire à une autre. C’est pas nouveau mais quand c'est fait avec soin, on n’s’en lasse pas.