Bad Boys (Michael Bay, U.S.A, 1995, 1h59)

Sorti vers la fin de la mode dite des ‘’Hood Films’’, le ‘’Bad Boys’’ de Michael Bay, dont c’est ici la première réalisation, est une production qui surf vaguement sur la renommée du genre, en en inversant toutefois les codifications. Alors que depuis 1989, mais surtout à partir de 1991 et ‘’Boyz n the Hood’’ de John Singleton, les jeunes Afro-américains sont représentés au cinéma à travers le prisme de la misère sociale, et de l’abandon des institutions à leur intention.


Livrés à eux-mêmes dans des quartiers où règnent le crime et la drogue (pour faire simpliste), c’est une génération sacrifiée qui est ainsi présentée aux yeux du monde, au travers d’œuvres dramatiques, souvent inspirées de l’expérience même de leurs auteurs. Cela correspond également avec l’avènement du gangsta rap, qui popularisera le style musical englobé vulgairement dans le terme passe partout de ‘’hip-hop’’.


Tout ça arrive à une période traversée par une forte contestation sociale, qui évolue même en émeutes à certains endroits. Frisant même la guerre civile pour certaines banlieues. Comme à Los Angeles en 1992, qui connaît un point culminant avec le tabassage sauvage de Rodney King, un automobiliste Noir, par la maréchaussée du comté de Los Angeles.


‘’Bad Boys’’ prend le contrepied de cette mode, et de cette vision de la jeunesse, avec ses protagonistes, deux jeunes Afro incarnés par Martin Lawrence et Will Smith, comédiens réputés pour leurs talents dans la comédie, plus que dans l’action. Marcus et Mike sont deux flics parfaitement intégrés dans la société, et ce sont même eux qui font régner la loi et l’ordre. Et comme on est chez Michael Bay, cela se traduit par des comportements conciliants pertes et fracas.


Membre de la brigade anti-narcotiques, ils sont sous l’autorité d’un capitaine blanc, l’excellent Joe Pantoliano, doivent protéger une jeune témoin blanche, incarnée par Téa Leonie, et affronter un criminel blanc, le redoutable Tchéky Karyo. Le film est produit par Don Simpson et Jerry Bruckheimer, deux producteurs blancs. Il est scénarisé par Michael Barrie, Jim Mullholand et Doug Richardson, sur une histoire de George Gallo, eux aussi tous Blancs. Et mis en scène par le très Blanc Michael Bay.


Œuvre de pure exploitation, ‘’Bad Boys’’ n’entre pas dans la catégorie des ‘’Hood Films’’, c’est un film d’action. Tout ce qu’il y a de plus mainstream. Il reflète cependant une certaine réalité sociale de l’Amérique clintonienne. Révélateur de la place qu’une partie de la population Afro s’est faite dans la middle class, voir même dans la bourgeoisie, durant l’ère reagan.


Dix ans avant, un tel film n’aurait en effet jamais vu le jour. Il est ainsi possible de remonter à 1982 pour trouver le buddy movie ‘’48hrs’’ de Walter Hill, où Eddie Murphy interprète une petite frappe qui aide un flic campé par Nick Nolte. Il faut ensuite se rendre en 1987 et ‘’Lethal Weapon’’ de Richard Donner, avec son personnage de Roger Murtaugh, le génial et trop rare Danny Glover, qui représente cette nouvelle caste à laquelle ont pu accéder les Afro-Américain, une vingtaine d’années après l’obtention de leurs Droits Civiques.


Mais un buddy movie avec deux Afro, là est la novation. Même si elle est née de l’initiative d’hommes blancs, qui peut rappeler la Blaxploitation des 70’s, sur le même crédo. Faite pour toucher un public marginalisé dans la production mainstream. Mais en 1995, une seconde lecture est possible, qui laisse tout aspect politique de côté, pour faire de ‘’Bad Boys’’ l’histoire de deux flics. Un père de famille bien rangé, peu téméraire mais courageux, et son coéquipier tête brûlée, célibataire, coureur de jupons invétéré, aimant le luxe et le clinquant.


Et le film de Michael Bay est sans doute à prendre comme tel. Il témoigne d’une évolution de la société qui n’est plus là pour interpeler. Et le succès du film, qui du haut de ses 19 millions de $ en rapporta plus de 140 millions, témoigne de sa qualité universelle, et non d’une quelconque nature communautaire. Et c’est là que réside toute sa force, même 25 ans après son exploitation en salle.


Nerveux, violent, excessif, ‘’Bad Boys’’ ça va vite. C’est de l’action quasi sans temps-morts, ça bastonne, ça gunfight de partout, ça explose, ça saigne, c’est souvent vulgaire, toujours drôle et visuellement Michael Bay se cherche encore. Le métrage faisant office de laboratoire pour le réalisateur néophyte. Tout est en effet déjà là : les ralentis, la cool attitude, le culte des corps, (torses musclés pour messieurs, corps de déesses en tenues des plus légère pour mesdames), une musique déjà très ‘’Zimmerienne’’, et du néon qui filtre l’image. Même si on est encore loin du traitement qu’il donnera plus tard à ses réalisations.


Comme une version encore un petit peu timorée de l’œuvre de Michael Bay, dont le cinéma à venir peut se percevoir tout de même se percevoir dans quelques fulgurances visuelles, plus élaborées par la suite. Comme ces plans qui tournent autour des protagonistes qui se relèvent. Qui deviendront emblématique de la saga ‘’Bad Boys’’, et qui se retrouve dans ses autres longs métrages.


C’est vraiment à la naissance du Michael Bay cinéaste, alors qu’il n’était qu’un clipeur de renom, dont se fait le témoin ‘’Bad Boys’’. Toutes les idées un petit peu folles, des angles de caméra, des plans alambiqués, et un sens du clinquant qui frôle avec le vulgaire le plus fadasse, mais duquel il parvient toujours à exhumer une forme de beauté pop, pour en mettre plein les mirettes. Car c’est ça Michael Bay, c’est avant tout du visuel qui claque.


Faisant partie des personnes qui considèrent ce réalisateur de destruction massive comme un auteur à part entière, tout de suite un film d’action comme ‘’Bad Boys’’ prend une tout autre dimension. C’est là le brouillon, ou plus exactement le patron, de tout ce qui fera son cinéma par la suite, étalés ici de façon un peu maladroite sur deux heures haletantes. Avec ce que cela implique d’erreurs et de faux pas.


Jouant sur une image préexistante, le film se déroule à Miami et convoque pour cela tout l’imaginaire de cette ville, et tout naturellement la série qui a popularisé son image : ‘’Miami Vice’’. Regardez par curiosité son générique, il y a déjà tout ce qui fait Michael Bay. De nombreuse références sont ainsi présentes, tel le Capitaine Howard, qui n’est pas sans rappeler, le plus taciturne, Lieutenant Castillo.


Mais surtout la surinterprétation de Sonny Crockett, qui influence à la fois Mike Lowery (Will Smith) le play boy qui roule en Porsche, qui s’habille avec un certain sens du style, et pour qui la hiérarchie c’est pour les faibles. Et se retrouve dans Marcus Burnett (Martin Lawrence), dont le nom de famille est emprunté au patronyme qu’utilise fréquemment Crockett lorsqu’il est undercover.


Ainsi, jamais le film ne se met dans l’ombre de ‘’Miami Vice’’, ou essaye de lui faire de l’ombre, se présentant plus comme une complétude. Ce qui Fait de ‘’Bad Boys’’ un ‘’Miami Vice le film’’ qui tient la route. Et il suffit de voir le ‘’Miami Vice’’ de Michael Mann en 2006 pour s’en convaincre, puisque le visuel rappel aisément celui des deux films de Michael Bay. La boucle semble bouclée.


Toutes ces notions mises à part, ‘’Bad Boys’’ c’est un film d’action plus que correct, qui entre largement dans la moyenne des productions de l’époque. En digne héritier de John McTiernan, Michael Bay parvient à emballer un actioner bourrin, généreux et putain d’efficace. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’on retrouve au scénario l’un des auteurs de l’excellent ‘’Money Train’’ la même année, et du ‘’Die Hard 2’’ de 1990, une resucée sympathique de l’original.


Du pré-Michael Bay dans le texte, le métrage possède toute une dimension comique, desservie avec talent par ses deux comédiens stars. L’alchimie entre Martin Lawrence et Will Smith est absolument parfaite, et ils donnent une vraie texture solide à leurs personnages. Ils sont Mike Lowery et Marcus Burnett. Le réalisateur leur laissant une grande part d’improvisation, cela donne au film une authenticité non feinte, qui se ressent dans chaque plan hyper cuté d’un Michael Bay sur le point d’amener l’action hollywoodienne à un autre niveau.


-Stork._

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le 2 avr. 2020

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