L’esthétique à vide
Gretel & Hansel cristallise à lui seul la beauté figée et inerte de ce sillon du cinéma d’épouvante notamment creusé par Ari Aster, qui évacue tout désir, toute sensibilité, toute humanité pour...
le 11 avr. 2020
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Déjà auteur du pas terrible ‘’I Am the Pretty Thing That Lives in the House’’ pour Netflix en 2016, Osgood Perkins revient aux affaires avec une version new-Age du conte Hansel & Gretel des Frères Grimm. Retitré pour l’occasion ‘’Gretel & Hansel’’, le récit s’axe principalement sur la grande sœur, qui en charge de son petit frère, cherche du travail pour les nourrir tous les deux.
Le film se déroule dans une atmosphère hors du temps, qui ne ressemble pas spécialement au XIXème dans lequel prend place le conte original, mais dans des décors épurés, laissant autant penser au début du XXème siècle, à une région industrielle en déclin, qu’à une vision fantasmagorique de ce à quoi aurait pu ressembler la Prusse de l'époque. Vue par le prisme artistique d’une vision bien marquée, qui domine cette adaptation.
En effet, le métrage est d’une beauté picturale qu’il est difficile de ne pas reconnaître. Les plans sont magnifiques. La mise en scène millimétrée rend hommage à l’économie de décors, et en collant au plus proche des personnages, dans une forme d’urgence, qui fait naître l’angoisse. La photographie très froide renforce l’aspect surnaturel de l’ensemble, et autorise de se laisser transporter par le récit.
Si on peut reprocher un certain maniérisme, qui joue en sa défaveur, à trop vouloir chercher le ‘’beau’’, le plan iconique, l’éclat qui laissera une impression durable sur la rétine de ses spectateurices, ‘’Gretel & Hansel’’ manque parfois un peu d’âme. Et c’est là le plus dommageable dans cette adaptation, car l’histoire racontée, comme tous les contes des Frères Grimm, est censée se faire le réceptacle d’une moral humaine. Or, c’est ce qui manque ici.
Si les deux comédiens qui interprètent Gretel (Sophias Lillis) et Hansel (Sammy Leaky) livrent une partition juste, en osmose totale avec l’ambiance horrifique dégagée par le métrage, ça semble parfois un peu vain. La faute à une histoire qui laisse interrogateur plus qu’autre chose. En effet, il semble y avoir énormément de symboliques, contrairement au conte original qui était relativement simple, avec son opposition pauvres/riches.
Dans cette variation, le surnaturel domine, alors qu’une histoire annexe, un peu vaine, est développée. Venant justifier les actes de la sorcière qui fait captif Hansel et Gretel. La magie dépasse ainsi le simple cadre de la métaphore, et devient un élément concret et moteur. Ainsi le personnage tierce posséde des pouvoirs surnaturels, dont Gretel est également en possession.
La dimension de l’œuvre d’Osgood Perkins semble s’axer davantage sur Gretel afin d’y insuffler un message féministe. Trois femmes parcourent ainsi le récit : Gretel, personnage principal. La sorcière, plus complexe qu’une simple variation de l’ogre. Le tierce personnage féminin, elle aussi prisonnière. Gretel apprend lors de sa captivité à maîtriser des pouvoirs, ce qui la fait grandir à mesure que le métrage avance, en prenant concrètement son destin en main.
Si on reprend la dichotomie pauvres/riches du conte des Frères Grimm, il est possible de considérer la sorcière, sa maison, et l’indécence de ses vivres à profusions, comme l’institution sclérosée de nos sociétés modernes. Gretel devenant la bonne, quand Hansel est lui gavé de bouffe. Rrefuse sa condition, elle se pli néanmoins au diktat de la vieille femme. Démontrant une résilience et une patience qui lui permettent de murir en tant qu’être à part entière.
Il est dès lors possible de voir l’émancipation d’une jeune femme, qui apprend à connaître le monde dans lequel elle vit. Au début du métrage elle cherche du travail pour subvenir à sa faim et celle d’Hansel, sans succès. Elle apprend alors à apprivoiser son environnement pour devenir actrice de sa vie, et prendre son indépendance en tant qu’individu. Ce que l’ultime séquence du métrage vient corroborer.
Cependant, tout prête à interprétation, puisque ‘’Gretel & Hansel’’ est un film des plus confus. À trop vouloir faire des plans magnifiques, et ils le sont, il est impossible de reprocher la beauté visuelle et harmonieuse de ce qui ressemble par moment aux tableaux Romantiques des peintres européens du XIXème et XXème siècles., Osgood perkins se perd donc un peu, comme s’il se regardait mettre en scène son histoire, provoquant des dommages collatéraux sur cette dernière.
Adaptation en demi-teinte donc, qui bien que visuellement riche et élaguant des thèmes inhérents aux contes, et encore plus à ceux des Frères Grimm dont il est issu, tout en se plaçant dans les problématiques de notre temps, il y a quand même un manque d’ampleur notable. Une belle mise en scène et quelques séquences un peu ‘’chocs’’, qui donnent pourtant une vraie dimension horrifique au récit, ne suffisent malheureusement pas à transporter une audience. Ça rend même le métrage un peu hermétique par moment.
Osgood Perkins rend ainsi son œuvre inutilement inaccessible, avec des petites touches d’incompréhensions, quand elle aurait mérité plus de clartés, et sans doute un traitement plus tranché. Jouer à fond a carte de l’Horreur, afin de viser un public bien précis ou bien au contraire, édulcorer un peu le tout pour le rendre plus universel.
Le film est ainsi sur un point de bascule, ne trouvant jamais vraiment son identité propre, quand son réalisateur, trop occupé à essayer de le rendre beau, passe un peu à côté de son histoire. Loin d’être raté, mais loin d’être une œuvre incontournable, ‘’Gretel & Hansel’’ se révèle être une œuvre assez banale, qui manque cruellement le coche. Après, sa courte durée, son visuel proche du phantasme, et une magnifique photographie sauront satisfaire les plus aventureux.
-Stork._
Créée
le 8 avr. 2020
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