Sur une idée de Charles Band (ça part toujours d’une idée de Charles Band), produit par Charles Band (c’est tout le temps produit par Charles Band) et distribué par Full Moon Pictures (le neo-poverty row de Charles Band), « Bad Channels » se situe dans la continuité des précédents D-T-V de la société. Mini budget, acteurices bofs (qui offrent ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont, soit un scénario écrit en quelques heures) et charme de la petite œuvre horrifique qui sait très bien qu’il lui est inutile d’avoir la moindre ambition.
Dans la lignée des minuscules productions d’Horreur des années '80 (même en 1992…), il y a également dans ce « Bad Channels » un peu de ces métrages de S-F fauchés des années 50 (toujours en 1992…). Avec son invasion extraterrestre très peu spectaculaire, il reprend les codes du récit où une petite ville américaine est confrontée à l’inconnu de l’espace. Parce que, même quand vous êtes un alien, quitte à atterrir sur Terre, autant se poser aux States.
Un gros extraterrestre en plastique débarque ainsi avec son Nono le petit robot perso’, dans une station de radio où il se connecte de manière très organique sur les ondes, pour pirater les postes radio de la ville. Chaque transistor se met à suinter une espèce de champignon visqueux, qui se révèle rapidement une forme d’intelligence motivée par le meurtre et le kidnapping. Car l’objectif de l’extraterrestre improvisé DJ s’avère de capturer toutes les femmes de la ville, qu’il enivre de musique rock, pour les enfermer dans de petites bouteilles. Pourquoi ? C’est une très bonne question.
Toujours est-il que les séquences de kidnappings s’avèrent très drôles et comptent parmi les moments les plus fun du film. Débutant toujours par une piste musicale qui s’endiable, une jeune femme se retrouve envoûtée par les ondes et perd complètement le contrôle et toute inhibition. Comme dans un clip, tout s’emballe, elles se mettent à danser, entourées de musiciens et de dancereuses, sauf que c’est dans leur tête, puisqu’elles se trouvent en général sur leur lieu de travail… La réalité est qu’elles sont les seules à s’enflammer, et ça fonctionne vraiment bien, apportant un cachet délirant réussit à l’ensemble.
Les musiques utilisées pour ces différentes séquences se montrent efficaces, avec ce savant mélange de hard rock et de synthés très eighties, dont un passage très rockabilly, qui donne à l’œuvre une aura de joyeux foutoir dynamique, rythmé et terriblement divertissant. De plus, la BO est signée par Blue Oÿster Cult (le groupe de 1992 hein…), que Charles Band à dû réussit à avoir au rabais dans un marché de vieilles légendes du rock. C’était soit ça ou bien Styx.
L’humour débile joue sur une corde à laquelle tout le monde ne se montre pas nécessairement sensible, mais quand on accepte le plaisir de l’assumer et bien on se retrouve devant un film fun et amusant!
En partie par la présence dans la station de radio d’un présentateur, tenant les gens au courant de ce qu’il se passe au péril même de son existence. Dans le rôle de sa vie Paul Hipp, qui incarne un looser héroïque sympathique, s’impose avec son attitude à la cool, sa rebéllitude et son sens du style. Et il porte littéralement le film sur ses épaules ! Impliqué, convaincant, il retire vraiment son épingle du jeu !
« Bad Channels » c’est un petit truc génial avec du cœur, qui malgré peu de moyens parvient à proposer un spectacle captivant, what the fuck bien comme il faut, avec de l’audace ! À l’instar des séquences musicales où succombent les femmes, ces passages envoûtés composent autant de petits clips déments. Mention toute spéciale pour la none guitariste, qui joue du gros métal dégueux en se jetant contre les murs. Oui.
Plus qu’assumé, le délire remplit le cahier des charges avec une recette Full Moon qui commence à prendre forme. Il est parfois des productions qui convoquent tout pour créer un culte. Et bien, « Bad Channels » appartient à ces productions qui se révèlent de petits chefs-d’œuvre. Attention, tout en restant sur une échelle relative à la Full Moon bien entendu, faut pas déconner.
Ses marionnettes sont géniales, avec un petit côté « The Little Shop of Horror » au rabais, car c’est ça aussi la patte Charles Band, parvenir a refaire en moins bien et à moindre coup, des trucs mieux et cher. Et bien, ça marche parce que pour que l’ensemble fonctionne, il faut cette urgence et ce peu de moyen, qui permettent à l’expérience de devenir tout autre. À « Bad Channels » de trouver alors une identité propre, forgée sous les contraintes imposées par le modèle de production de Charles Band.
Inattendu, original et toujours surprenant, voilà un film qui saura ravir et vos déviances cinématographiques et vos fins de soirées en descente de bière. Plein d’inventivité, il a sans cesse quelque chose à proposer, ce n’est pas juste une coquille vide ou une nouvelle arnaque made in Band. C’est vraiment un bon horror movie low cost, et c’est déjà beaucoup !
Fort de ses interludes musicaux, qui en composent tout le suc, « Bad Channels » propose sous un récit classique que seule une certaine folie un peu bordélique rend intéressant à suivre. Et puis que dire de cette séquence finale qui ne peut que laisser penseur… Elle vient remettre en question toutes nos croyances et notre existence même, face à une civilisation extraterrestre supérieure… Nan je déconne, Dan le looser devenu héros emballe, tout le monde rigole de la situation, un petit gag final éclate juste avant le générique, et finalement tout cela n’était qu’un vilain cauchemar. Ha ha ha. Vraiment ?!
Il est à noter que le film se termine sur une scène postcrédit (oui, en 1992 !), qui laisse sous-entendre que « Bad Channels » ne serait que le début d’une grande aventure prolifique pour la Full Moon. Cela aurait été le cas si le projet annoncé en cette fin de générique ne constituait pas la plus grosse arnaque jamais fomentée par Charles Band. Mais cela est une autre histoire…
-Stork._