Bad Lieutenant est un film compliqué mais surtout un film clivant par tous ses aspects et il est particulièrement difficile d'émettre un avis le concernant. Le film commence par une première partie dans le ton de ce qu'on attend finalement, on présente un personnage qui vit loin de quelconques principes moraux et qui cumule les vices. Ce premier acte n'est alors pas sans rappeler Taxi Driver, en effet on ne vivra qu'à travers le seul personnage d'Harvey Keitel si bien qu'il apparaît bien dans toutes les scènes (tous les plans ?) et que seul son point de vue importe dans un soucis de réalisme particulièrement saisissant. C'est donc là où on en est à la fin de ce premier acte.
Mais vient ensuite cette scène, qui, personnellement restera ancré dans mon imaginaire pendant longtemps. Cette scène où notre personnage, en sa qualité de lieutenant de police, se permet d'arrêter une voiture peuplée de jeunes femmes... Cette scène pose problème par bien des aspects et annonce le ton réel du film. Je suis un fan inconditionnel de Harvey Keitel et le voir jouer une scène aussi longue et dérangeante m'a empêché de soutenir le regard durant l'éternité qu'elle me semble avoir durée. Par la suite, le film décrit une descente aux enfers de son personnage, aussi simple que cela, jusqu'au dernier revirement attendu.
La scène de l'église, du pardon, au delà de sa dimension presque politique, est avant tout la quintessence de la vision de son auteur, qui s'élève pour juger son personnage, pour le transformer et pour lui donner une toute autre dimension. Le film change complètement de direction, passe de l'insupportable à la puissance. La puissance transmise par la foi profonde que l'auteur inscrit dans son personnage, et la puissance de l’interprétation d'Harvey Keitel qui sublime le tableau. Enfin, je pense que ce film m'aurait laissé un goût amer voire une profonde déception si il n'y avait pas eu cette dernière scène, cette dernière volonté, ce Harvey Keitel larmoyant et ce choix de jouer Pledging my love (Mean Streets <3).
Abel Ferrara ne signe pas un chef d'oeuvre absolu, je pense qu'il signe simplement son chef d'oeuvre et celui de son acteur, si le film aurait pu être meilleur, il n'aurait pas pu être plus marquant.