Après le réussi The King of New York, Abel Ferrara récidive avec Bad Lieutenant où il nous entraîne dans un enfer urbain pour y suivre un flic se chargeant du rôle du diable qui va se voir la possibilité d'emprunter le chemin vers la rédemption.
C'est dans un univers totalement malsain, violent et amoral que nous plonge Ferrara avec Bad Lieutenant, mettant en scène un flic aussi camé que ripoux, joueur, dépravé ou encore buveur, escroquant ses collègues et profitant de son job pour s'en mettre plein les poches et satisfaire ses désirs les plus obscurs. C'est d'abord sur lui et son mode de vie que Ferrara braque sa caméra, nous emmenant dans les bas-fonds new-yorkais pour y suivre ses journées où vont s’enchaîner paris, alcool, racket ou encore masturbation. Peu à peu, suite au viol d'une religieuse, c'est le rapport qu'aura cette affaire avec le flic qui va intéresser le cinéaste américain.
Film choc n'hésitant pas à laisser sur les carreaux, Bad Lieutenant tend à montrer la banalisation du mal et Ferrara ne fait pas dans la demi-mesure, filmant son récit de manière aussi crue que réaliste, sans pour autant tomber dans un excès qui en deviendrait lourd. Opposant, à l'image du flic face à la religieuse, le bien et le mal, et mettant en avant une certaine rédemption chez le protagoniste, il montre une certaine obsession pour la religion, tout le long au coeur du récit que ce soit dans les actes ou apparitions. Une religion, faisant office du "bien", qui va être tout le long mis à mal par l'horreur du monde moderne et de la nature humaine, aussi bestial que cupide et égoïste.
La force de Bad Lieutenant se trouve surtout dans la mise en scène de Ferrara qui met en place une ambiance totalement malsaine et prenante, sachant nous immerger au cœur de cette jungle violente et cruelle. Il donne une dimension brute, urgente et sombre à son oeuvre qui nous emmène dans les abysses de la noirceur humaine. Dans le même temps, il arrive aussi à donner à son film quelque chose d'assez beau dans la façon dont le flic va être pris d'une rédemption semblant impossible. La réussite de l'oeuvre tient notamment dans son personnage principal qui bénéficie de la grandiose interprétation d'un Harvey Keitel habité qui nous emmène dans son quotidien sordide, sale et désespéré.
Tourné en 18 jours, Bad Lieutenant permet à Abel Ferrara de capter avec urgence et puissance l'obscurité de la nature humaine à travers ce chemin vers la rédemption aussi malsain que violent et désespéré.