Bad tripes ?
Je voulais voir The Taste of Tea et j’ai vu Bad Taste. La funeste erreur, c’était fort de café ! Quelle ne fut pas en effet ma surprise de me retrouver devant un film bien crade ! De thé, il ne fut...
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le 12 juil. 2014
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Véritable bricolage complètement dément, « Bad Taste » fait partie de ces anomalies du Cinéma. Ayant lancé la carrière d’un cinéaste majeur de notre temps, cette minuscule production amateur apparaît comme quasi unique. Son tournage débute en 1981 et occupe durant quatre ans tous les week-ends et les vacances de Jackson et ses amis. Un développement semblable à une autre pierre angulaire du cinéma gore : le « Evil Dead » de Sam Raimi.
« Bad Taste » c’est avant tout une œuvre artisanale, dans tous les sens du terme : tout est fait maison. Peter Jackson a fabriqué lui-même les accessoires, les aliens, les armes à feu, la steadycam (bricolée pour 15 $) et même les effets spéciaux. Il a dû également élaborer un doublage en post-production, sa caméra n’ayant pas de son. Ce travail de longue haleine, de patience et de passion, comme les années 1980 en ont souvent proposé, ne peut qu’émerveiller, entre deux bouts de cervelles éclatés au sol.
Impressionnée par son investissement, après plusieurs années de tournage, la New Zealand Film Commission prit la décision d’aider Peter Jackson à finaliser son métrage, passé de court à long. Des moyens sont mis à sa disposition, et le cinéaste en herbe (il a 21 ans au début de l’aventure) peut enfin terminer confortablement son film, bénéficiant de thunes et de matériels professionnels. Et c’est ainsi que cette micro-production, venue du cœur du Pacifique, est entrée dans une niche de la grande histoire du Cinéma mondial.
La création du film, plus que l’œuvre en elle-même, fascine et force naturellement le respect envers l’entreprise que représente toute cette aventure. Surtout au vu du résultat final, qui peut se résumé en un délire gore et potache, dégueulasse et surtout déviant. Tout l’intérêt, dont l’intrigue était écrite au fur et à mesure (puisque Jackson n’a pas scripté le métrage), repose ainsi sur des séquences chocs, outrancièrement gores, au Z assumé et revendiqué, tout droit hérité des productions de Roger Corman ou de Lloyd Kaufman.
Le métrage fourmille aussi de références subtilement disséminées dans le décor, dans les dialogues, dans des effets de mises en scène ou encore dans des jeux de mots. Car, derrière ce qui ressemble à un joyeux bordel se trouve un esprit cinéphile, qui sait très bien ce qu’il fait. Plus généralement, c’est l’esprit d’un fanatique de pop culture qui s’exprime par une démarche radicalement fun et irrévérencieuse, au cœur d’une décennie où le gore rencontre de plus une grande popularité.
Ce qui constitue une part de l’originalité de « Bad Taste » c’est aussi qu’il vient de Nouvelle-Zélande, une nation peu reconnue pour son septième art. Ce premier film de Peter Jackson fait ainsi en 1987, à sa sortie, office d’ambassadeur d’un cinéma occidental des antipodes. Et plus de trente ans après, il demeure une œuvre unique au cachet authentique, terriblement sympathique.
Il y a tout dans ce film : une organisation gouvernementale obscure, des agents secrets tarés, des extra-terrestres humanovores, de l’action à deux balles, du suspens, de l’épouvante, et de l’horreur visuelle, par l’expression d’un gore cradingue à outrance. Nombre de scènes s’avèrent dégoûtantes, malsaines, voire gerbantes, mais dans un esprit cartoonesque qui n’oublie jamais d’être funky au possible et sans cesse délirant. Un plus est même apporté par le jeu approximatif des acteurs, qui en font des caisses, ou non, sans trop savoir vraiment où ils semblent vouloir aller. Et ça fonctionne !
Véritable petit chef d’œuvre de mauvais goût, avec un Z à l’amateurisme revendiqué, ce que dégage « Bad Taste » c’est avant tout la révélation du talent insolent et inné de Peter Jackson pour son art. Cette combinaison virtuose compose une construction cinéphilique rare, pour un metteur en scène qui a compris l’essentiel de ce qui définit le Cinéma. Et ce n’est là que le point de départ d’une carrière riche et éclectique, qui mena Peter Jackson vers une reconnaissance internationale.
« Bad Taste » occupe en ce sens une place primordiale dans sa filmographie, tellement il marque l’acte de naissance d’un artiste qui pense le Cinéma au-delà de l’art, comme un vecteur de pop culture. Le film possède déjà tout ce qui composera l’œuvre de Peter Jackson en une trentaine d’année de carrière par l’expression d’une vision unique et extrême. Il en résulte un objet singulier farouchement décomplexé et intemporel, qui fait toujours mouche.
Et n’oubliez jamais : « Dereks don't run ! »
-Stork_
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Créée
le 1 janv. 2022
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