Une restauration non méritée

L’histoire du film est encore plus intéressante que le film lui-même : dans le cadre de la recherche d’une copie d’un film de Raj Kapoor (1924-1988), ce film, en noir et blanc, a été trouvé dans l’Arsenal de Berlin, avec comme seul point commun, le patronyme et homonyme Kapoor. Il était tombé dans l’oubli, favorisé par son échec commercial, aucune copie ne subsistant en Inde. Il a fait l’objet d’une restauration 4 K à partir de cette copie 35 mm, une partie ayant été perdue puisque l’original durait 133 mn et non 111 mn comme la version restaurée et projetée. D’où probablement les nombreux défauts visibles : images fixes (par perte d’une partie de la pellicule), dialogues non synchronisés avec les images, ce qui n’en facilite pas la compréhension. Adapté du premier roman (en hindi) (1957) de Kamleshwar Prasad Saxena (1932-2007) dont le titre en français est « Un quartier mal famé » ou « Voie maudite », il raconte l’histoire d’un triangle amoureux entre Sarnam, chauffeur de bus et bandit, Bansuri, chanteuse, et Rangi, spécialiste des faux témoignages et ami de Sarnam, sans oublier Shivraj, danseur qui affectionne Sarnam... Se voulant donner un regard social voire politique, à la façon du Brésilien Glauber Rochas (1939-1981) et son grotesque « Le Dieu noir et le diable blond » (1964), le réalisateur a, probablement, mal assimilé les principes du cinéaste russe Dziga Vertov (1896-1954) avec ses abus des zooms avant et arrière, ses insertions de plans (images de vautours extra-diagétiques pour bien faire comprendre le caractère des hommes visés, long plan du chauffeur accroupi dans un paysage désertique pour figurer sa solitude), ce qui le rend ennuyeux, aggravé par la lenteur de la narration (les 10 premières minutes sont occupées par les images d’un quartier pauvre, au son d’une chanson de Vijaya Rhagava Rao (1925-2011) et il y a une longue séquence où Sarnam recherche Shivraj, qui ressemble à un extrait de « Connaissance du monde » sur les marchés en Inde. Faut-il s’étonner de l’échec du film ? Fallait-il vraiment le restaurer ? Le sélectionner dans un festival ? L’histoire aurait pu être traitée en 30 mn.