Bagarres au "King Créole est un film musical de Michael CURTIZ (1886-1962) sorti en 1958 mettant en vedette le King Elvis PRESLEY (1935-1977), Dolores HART et Walter MATTHAU (entre autre Charade de Stanley DONEN, Hello, Dolly! de Gene KELLY et Pirates de Roman POLANSKI).


Dans le Vieux Carré de la Nouvelle Orléans, le jeune Danny Fisher (Elvis PRESLEY) tente de trouver sa voix entre métier honnête mais ennuyeux pour aider financièrement sa famille et braquages minables avec les petites frappes du quartier. Fougueux et idéaliste, il est aussi en conflit avec son père dévasté par la mort de son épouse et dont il ne supporte pas la résignation et le caractère effacé. De plus, il doit concilier tout cela avec sa passion du rock et de la chanson. Enfin, son charme viril et son talent musical ne laissent pas indifférentes deux femmes foncièrement différentes : une brune, femme fatale et amante du chef mafieux local (Walter MATTHAU), et une blonde, jeune, pure et au regard intense (Dolores HART qui deviendra d’ailleurs religieuse après sa carrière à Hollywood). Là encore, il faudra choisir entre deux destins et concilier toutes ces évènements qui sont autant d’étapes de l’apprentissage de la vie.


Pour sa 4ème expérience au cinéma, Elvis PRESLEY bénéficie d’un écrin de qualité. Le film est dirigé par Michael CURTIZ. Réalisateur compétent, sérieux et reconnu tout de même à l’origine du chef-d’œuvre Casablanca (1942) et des films Les Aventures de Robin des Bois (avec Errol FLYNN en 1938), et Noël Blanc (comédie musicale avec Bing CROSBY en 1954), Michael CURTIZ livre ici un autre de ses succès qui s’inscrit parmi les classiques de la filmographie du King. Le film est tourné dans un noir et blanc travaillé pour accompagner le coté dramatique de l’intrigue et coller au plus près de l’ambiance des films noirs. Tous les éléments du genre sont d’ailleurs réunis et servis intelligemment. Les cabarets aux ambiances enfiévrés de fumées, de jazz et d’ambiance électrique, les petites frappes prêtes à tout pour grimper les échelons dans la pègre, la femme fatale soucieuse de changer de vie et d’image alors qu’elle subit continuellement les agressions et humiliations de son amant mafieux. Le réalisateur a su entouré Elvis d’acteurs compétant qui mettent en valeur la star et souligne sa performance.


Il faut d’ailleurs évoquer la très bonne prestation d’Elvis PRESLEY. Il ne joue pas uniquement un chanteur charmeur et adulé. Son personnage a une véritable profondeur, compte tenu de tous les tourments moraux et sentimentaux qu’il doit endurer. Elvis parviens très bien à exprimer toutes ces émotions sans en faire trop. Il est vraiment touchant et investi par son rôle. Son personnage de Danny Fisher est un jeune homme idéaliste et porté par une fureur de vivre selon ses principes moraux. Face à l’injustice d’un monde dur et perverti, Danny est toujours dans une rage contenue. Le rock est alors l’exutoire de ce ressentiment. C’est par le rock'n roll que le jeune homme évacue toute cette colère froide. Il le dit d’ailleurs dans le film. Elvis PRESLEY et le rock'n roll sont l’incarnation de cette jeunesse. Cette fureur de vivre, cette énergie folle d’une nouvelle jeunesse des années 50 est d’ailleurs bien palpable dans les morceaux musicaux du long métrage. A la seconde même où Elvis monte sur scène et que la musique commence, il se métamorphose sous nos yeux : sa voix devient immédiatement suave et grave, son corps est secoué de soubresaut frénétiques mais tellement sensuels qu'ils semblent incontrôlables. Le King n’est pas le King pour rien et c’est là tout son charme et génie. Des chansons comme "Trouble" et "Dixieland Rock" assoient sa performance à jamais. Cette magie se renouvelle à chaque chanson du film. Il semble vraiment y avoir un Elvis acteur et un Elvis chanteur et ce dernier est comme un lion en cage qui n’attends que le moment de la musique, non pas pour se déchainer mais bien pour se libérer. Elvis PRESLEY dira plus tard que Danny Fisher est son personnage préféré de toute sa filmographie.


À noter que cette fureur de vivre manifeste dans le personnage qu’interprète le King n’est pas s’en rappeler celle du personnage de Jim Stark dans La Fureur de Vivre (Rebel without a cause en VO, 1955). À l’origine, c’est d’ailleurs à James DEAN qu’était destiné le rôle de Danny Fisher. Mais le décès de celui-ci à réorienté les studios vers Elvis PRESLEY, une autre idole qui exprime, tout aussi fort mais à sa manière, les aspirations de la jeunesse américaine de l’époque.


Elvis PRESLEY joue bien, il chante bien et il danse bien. Mais Bagarres au "King Créole" n’est pas non plus un simple film de genre. Michael CURTIZ et les scénaristes ont su y distiller quelques petits approfondissements qui invitent à la réflexion et vont au-delà des clichés pour évoquer d’autres choses. Les rapports entre le père et son fils sont complexes et intéressants par exemple. De même que ceux entre la sœur de Danny et son imprésario. Évoquons aussi la relation entre Danny et la blonde Nelly. Celle-ci est immanquablement associée à la religion et à la cathédrale St Louis de la Nouvelle Orléans, comme un ange-gardien du jeune homme ? Plus intéressant, lors de leur première sortie ensemble, Danny l’emmène directement dans une chambre d’hôtel, à la porte de laquelle la jeune fille décline l’invitation avec déception. Le jeune homme comprend et regrette sa goujaterie. Pour autant, cela souligne la pauvreté sentimentale et éducative de Danny et des garçons de son milieu qui ne savent malheureusement pas proposer autre chose que cela à leurs conquêtes. Effleurer ce genre de chose dans un film avec autant de délicatesse et sans jugement est assez notable.


Le reste du casting regroupe des acteurs confirmés qui accompagnent bien la prestation d’Elvis PRESLEY. Citons d’ailleurs l'apport étonnant mais convaincant de Walter MATTHAU en malfrat tortionnaire et cynique. Malgré son physique débonnaire, son personnage est violent, dangereux et surtout cruellement manipulateur. En effet, pour obtenir ce qu’il veut de Danny Fisher, il utilise son amante dont il sait la répugnance qu’elle a pour lui et l’attirance pour le jeune homme. De même, lors de la séquence à l’hôpital, on découvre aussi la mainmise qu’il a sur le personnel hospitalier et ainsi sur Danny et son père en payant le médecin chargé de l’opération de ce dernier. Il s’agit ainsi de chantage car Danny lui est alors cruellement redevable.


Dans Bagarres au "King Créole", Elvis PRESLEY chante, danse, se bat, pleure, embrasse les femmes mûres, se préserve tout de même pour une groupie, se livre sincèrement et pleinement sur scène. Ce film est aussi pour lui l’occasion réussie de montrer tout son talent d’acteur dramatique. Il en profite aussi pour rendre hommage au blues et à la musique noire américaine dont est issu le rock et qu’il a toujours admiré. Dans ce sens, la séquence d’ouverture du film illustre bien la chose. De bon matin, dans les rues vides du carré (avec un célèbre angle de caméra qui sera repris tel quel dans la scène pré générique du James Bond Vivre et laisser mourir), divers vendeurs et colporteurs noirs chantent leur quartier de leur voix suave. Leurs mélodies réveillent Elvis qui, de son balcon, leur répond en chantant avec un respect qui n’est pas feint. Un film sincère et plus profond que son titre le laisse croire.

Créée

le 11 nov. 2020

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