Film culte de ma maman, et de sans doute pas mal de lecteurs de Télérama de plus de 60 ans, Bagdad Café est un succès indé surprise, surtout en France, porté par une chanson dont le succès a dépassé celui du film (le fameux Calling You de Jevetta Steele et son aprège d'organ flottant). Elle est l'histoire de deux femmes en rupture avec leurs familles dans un truck motel miteux du désert des Mojaves, quelque part perdu entre Los Angeles et Las Vegas.


Succès surprise car, d'apparence, le réalisateur Percy Adlon opte pour un parti pris très arty, que ce soit par une photo cherchant la saturation des couleurs du désert et du ciel, et des images esthétisantes comme ces très beaux plans larges et fixes sur le désert, mais aussi des obliques et des plongées sur les personnages dans des positions absurdes et décalées. Le résultat, vu de 2021, est tantôt magnifique, tantôt largement ringardisé. Écueil des petits budgets de l'époque, le traitement du son est assez problématique et nécessiterait une remasterisation.


Le café routier et sa géographie dans un Nevada désertique, industriel et qui n'attire pas le regard est presque le personnage principal du film, le manège de ses habitués, la famille de naufragés qu'elle héberge, les silences et les camions... Le film porte un regard assez tendre et amusé sur son lieu. Ce sont des États-Unis vue d'un européen, où la problématique raciale notamment semble effacée, avec une grosse lampée d'idéalisme et pas mal de fantasmes, mais surtout beaucoup d'amour.


Mais c'est surtout l'alchimie improbable entre la bavaroise perdue Marianne Sagerbrecht et la tôlière sur-les-nerfs CCH Pounder qui fait la vraie force du film. D'un dégoût et d'une méfiance réciproques, elles passent à une reconstruction personnelle dont elles sont les piliers mutuels. En choisissant de raconter cette relation par des scènettes d'un quotidien morne d'où jaillit la fantaisie, Bagdad Café n'échappe pas à l'abondance de bons sentiments mais est heureusement trop bizarre pour être niais.


Sous ses artifices indés, Bagdad Café est aussi un bon gros feel-good movie qui remplit son rôle et dont le cadre sublimé participe à faire de lui un film qui reste en mémoire.

Mafelele
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le 27 janv. 2021

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Antoine Maf

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