Ce film, assez court, se découpe manifestement en deux parties.
La première partie décrit les personnages dans des scènes plutôt quotidiennes. Qu'il s'agisse de la vie en collocation ou de la relation soeur/frère, on se tient dans la vie du foyer, du milieu habituel. Dans ce quotidien, la femme est dominée de part en part. Son esprit est dominé (cf. La scène du billard) mais c'est surtout son corps qui est dominé (cf. la scène frère/soeur dans le bar). Dans cette partie qui représente le quotidien, le corps de la femme est mutilé, ouvert de force, violé (cf. la scène de viol) : elle est un bout de viande que l'on manipule. Ce corps féminin, il appartient à l'Homme (au frère, au violeur, à l'amant). Dans ce quotidien, la seule manière de lutter semble être constituée par le langage (insulte) et l'attitude insolente.
La seconde partie s'échappe complètement de ce quotidien. Le voyage en voiture représente la transition vers un idéal. Le voyage décolle les deux femmes de la réalité. Cette fois, la morale phallocentrée n'existe plus. Une véritable tentative de récupérer le pouvoir, autrement que par la parole qui échoue ("Quand même, ces gens ils meurent. Il faut que les dialogues soient à la hauteur."), va pouvoir se mettre en place. C'est à partir de ce corps jusqu'alors mutilé que les deux femmes vont tenté de récupérer le pouvoir.
Par la violence physique directe, par l'usage de l'arme à feu et en souillant le corps du sexe opposé (cf. la scène du "connard à capote"), ces femmes vont réinvestir les moyens masculins de la domination. Elles vont jusqu'à reproduire le viol (dans la boite, le flingue planté dans l'anus) que l'une d'elles a subit au début du film. Finalement, l'identification aux moyens masculins de la domination va jusqu'au travestissement : l'une des deux "héroïnes" porte, dans la dernière scène, des vêtements habituellement masculin. On notera par ailleurs que la manière dont sont engagées les scènes pornographiques constitue une réappropriation l'univers masculin : elles démarrent de façon aussi surprenante que dans les films pornographiques.
Ce film est pourtant l'histoire d'un échec. Cette sortie du quotidien n'est pas pensée comme étant réelle. L'un des personnages est même surpris par ce caractère idéal de leur escapade, elle s'étonne de pouvoir glander tranquillement dans un hôtel, comme si tout était permis.
C'est dire que cette tentative de récupération du pouvoir par le réinvestissement des attributs masculins et violents est un échec. Les deux femmes se perdent dans un univers qu'elles ne maitrisent pas.
Franchement, se scandaliser pour 5 scènes de pornographie me semble un peu gros. On peut critiquer en partie le jeu des acteurs et la qualité global de la réalisation. Mais il est indéniable que le film véhicule un aspect symbolique important. Il dit quelque chose de la condition des femmes au quotidien. Il dit aussi quelque chose des moyens illusoires qu'elles rêvent peut-être de mettre en oeuvre pour reconquérir un pouvoir qui a trop longtemps appartenu aux hommes.
À celui, donc, qui caractérise ce film comme étant un navet, je lui dis : "C'est TOI le navet."