Bambi fait, pour moi, partie des trois joyaux de la couronne Disney avec ses aînés Pinocchio et Fantasia.
(...)
L'on plonge en une épaisse forêt sombre, en une aube brumeuse et froide dans laquelle notre regard hagard se perd, un temps, langoureusement à une contemplation exquise. Un oiseau, un hibou, vient cependant captiver, guider notre regard; l'animal nocturne s'en remet aux songes tandis que la forêt, allègrement, s'éveille porteuse d'une nouvelle : Le petit prince est né, il s'appelle Bambi.
Bambi c'est notre histoire commune, celle du chemin, insensible et pourtant irrésistible, de l'enfance jusqu'à l'adulte, de l'insouciance à la raison. C'est d'insouciance et de légèreté dont il est justement question en ce début d’œuvre animée. Le petit faon pose un regard curieux sur tout ce qui l'entoure, ce regard de l'enfant, ce regard neuf et candide, qui les maintiennent et les bercent, dans un délicieux nuage de bonheur et d'innocence. Viennent les premiers mots : "moineaux", "fleur", "jolie", mais aussi les premières peurs, celles de l'enfant, irrationnelles et envoûtantes.
La scène de l'orage, la chanson de la pluie, les dessins, les personnages, tout est fantastique, beau, poétique...
À ses peurs enfantines et insensées viennent s'incruster celles des adultes, elles bien réelles, "la prairie est comme un immense désert...", que Bambi ne semble pas encore comprendre.
Dans cette prairie Bambi fait deux rencontres significatives:
Celle du père, d'abord imposant, intimidant, encore inconnu et pourtant déjà élevé au rang de modèle indépassable, indétrônable, grandiose. Cette attirance mêlée de peur est, à mon sens, à la juste mesure de la perception encore naïve qu'a l'enfant du père qu'il idéalise.
Celle de la mort, ensuite, ou du moins de sa possibilité à travers la métaphore du chasseur, invisible, impénétrable, implacable et omniprésent. À la mort Bambi associe une peur encore une fois enfantine et commune, celle de la perte de ses parents et finalement de ses repères, la scène est cauchemardesque, confuse, trouble, terrifiante.
L'automne passe, merveilleusement évoqué, pour laisser place à l'hiver, saison aussi somptueuse que lugubre... Oui la mère de Bambi meurt, la scène est tout simplement atroce et monstrueuse. Bambi appelle sa mère d'une voix teinte d'espoir et de crainte, dans une forêt à présent sinistre. La neige, qui l'entoure, n'en finit plus de tomber, s'intensifie même et seule fait écho à Bambi, esseulé, sa propre voix paniquée. Apparait soudainement dans l'obscurité et le brouillard son père qui, lui parlant pour la première fois, lui assène crument la terrible vérité : "ta mère ne pourra plus jamais être auprès de toi".
L'on sèche tant bien que mal ses larmes sous le jeune soleil de printemps qu'accompagnent des images de bonheurs et de batifolages désinvoltes, on rit tandis que Bambi continue de grandir et découvre l'amour "Je suis Féline" lui susurre sensuellement une biche, mais aussi la violence à travers un superbe combat presque tauromachique où des couleurs irréelles soulignent et caressent les croupes musculeuses des deux prétendants; Bambi, dans ce suprême combat perd un instant son individualité, se confondant avec son adversaire et se livrant tout entier à son animalité. La scène qui suit la victoire de Bambi est tout aussi splendide, louvoyant entre romantisme bucolique et mélancolie douce à l'image de ces paroles : "Je chante pour toi le bonheur d'être jeune et de croire que l'amour et une belle histoire qui peut durer toujours".
J'en profite donc pour insister sur le fait que tout le long de l'animation la musique y est sublime, merveilleusement juste, subtilement dosée et je pèse mes superlatifs...
L'Automne suivant Bambi est alors presque adulte et c'est son père qu'il rencontre pour la troisième fois qui lui fera faire ses derniers pas, faisant de lui un adulte "debout mon fils, vient avec moi". Le père modèle devient tuteur et accompagne, guide Bambi dans sa dernière épreuve symbolisé par l'incendie. Un brasier puissamment esthétique épouse avec fureur une eau limpide, magnifique, sous un ciel rougeoyant...
Le chef d'oeuvre s'achève ici, Bambi père de deux jumeaux contemple la forêt dans son ensemble. À ses côtés, une dernière fois, son père, qui sans qu'un mot soit nécessaire, laisse son fils, adulte, pour s'en aller mourir paisiblement au coeur de sa forêt. Le cerf nommé Bambi reste seul, imposant, noble, solennel.
Une fois n'est pas coutume je terminerais ma critique sur une citation, j'en ai choisi une de Disney:
"De tous les films que j'ai pu faire, Bambi a été le choix le plus heureux. Je ne vois pas d'histoire ou de sujet qui puisse toucher les gens davantage.»"