Barbe Bleue, le mâle apprivoisé.
Barbe Bleue, le mâle apprivoisé.
La statue porte une trompette, des aigles, une tête à ses pieds, Les soeurs chantent, sont interrompues : « venez, pourquoi ? » Il faut aller voir la mère dite supérieure, le mensonge par omission est un pêché, mais personne ne sait quoi que ce soit par ici. Où est marie catherine ? Quelle sotte habitude de répondre aux questions par des questions. Mlle Anne est témoin, l'heure c'est l'heure, la soeur n'a pas la politesse des rois, nul ne peut faire des miracles avec les mauvaises herbes. Dans un grenier, deux autres gamines, ailleurs, avant tout cela, leurs doubles oniriques, lisent un conte, les chaises sont renversées, c'est extraordinaire, il n'y a aucun adulte, que faire sinon rêver ? Les soeurs plus grandes ou plus petites, tout dépend de qui pense quoi, sont conviées à rencontrer la mère supérieure, le père est mort en sauvant un enfant d'une carriole, c'est un beau sacrifice, elles doivent se réjouir. Mais elles pleurent. De toute façon ce n'est pas une oeuvre de charité, elles doivent partir maintenant, on ne veut pas d'orphelines ici. Elles font leur malle, prennent une autre destination, croisent le Château qui découpe la vallée majestueuse, celui de Barbe-Bleue, ce Seigneur qui fait disparaître toutes ses femmes au bout d'un an. Oui mais il est riche, et la justice est celle des riches. Il faudra le devenir alors. Il faut rejoindre ce qui reste, la mère éplorée, fatiguée, se recueillir sur la dépouille du père. Il est plus beau qu'avant, la mort embellit. Il ne fait plus peur maintenant. Elles n'arrivent pas à y croire, que c'est comme ça qu'on terminera tous. Anne est trop petite, il ne faut pas rentrer. Anne porte une robe trop belle, jamais elle ne doit faire ça. Il faut étendre le linge, tout est teint en noir, comment les marier, le défunt n'a laissé que des lettres. Va falloir entrer en couvent, se dessécher dans la prière, non merci. Alors comme dames de compagnie, plutôt mourir. Lui est mort au moins, Catherine ne veut pas être morte-vivante. Elle enjolive sa soeur, elle la rend plus belle, « maman n'a pas de goût », « voilà c'est plus joli, ohlala » , « tu sais très bien qu'il ne peut pas la tuer », qui commence à lire ? « la Petite Sirène ou Barbe Bleue ?», Barbe Bleue, « il était une fois un ogre », de la vaisselle d'argent, mais par malheur il avait la barbe bleue, « She so many lovers », elle ne sait lequel prendre, « a little cobbler, is the one she chose », « papa chéri, t'as l'air beaucoup plus jeune, tu ressembles à une statue froide ». Elle l'aime maintenant. Anne lui en veut à mort d'être mort, d'avoir sauvé un autre enfant, sans penser à elles. Elles qui n'ont pas compté alors, Anne le déteste de toute son âme. Elle n'aime personne, pense Catherine,il a écouté son coeur, on ne peut lui reprocher. Mais c'est sa faute, pas la sienne selon Anne. Non, c'est une sotte qui ne sait ce qu'elle dit. C'est pour ça qu'on les enterre, Dieu a beaucoup de travail. Comment garder la maison ? C'est simple, les morts n'en ont plus besoin. « She has so many lovers ». Les vautours viennent prendre les meubles de valeur, la famille est perdue. Jusqu'à la fin du monde elles devraient pleurer alors. Même plus jouer du piano ? Les yeux pour pleurer, tout dégoûte Catherine maintenant. Anne est beaucoup plus motivée à l'idée de rencontrer ce Seigneur. Qui pouvait se résoudre à prendre un homme pareil ? Comment une dame de qualité pouvait être très pauvre ? Et vu qu'il ne prenait que des pauvres ! Il n'y avait plus grand chose à manger à la maison, dans quel état elle s'est mis les bras en ramenant des orties Catherine. Deux filles sans dot en âge de se marier, ne jamais lui donner une fille à ce criminel, mais elles n'ont plus les moyens de faire les difficiles, rien est si terrible, il est généreux, immensément riche, si l'une se dévoue, la fortune sera faite, plus qu'à réfléchir, ne pas refuser à la légère, il sait se montrer aimable, une invitation pour faire connaissance, il a convié toutes les jeunes filles en âge, elles vont visiter le grand Château. Qui est une chochotte? Elle est sensible, c'est pas elle qui réfléchit, c'est son cerveau, au double d'Anne, mais il est à elle, mais non, on le lui a donné. On ne savait rien de ce qui advenait de ces femmes, les gens de voisinage vinrent. Un canard décapité bougeant encore assurait l'accueil. Il apparut, le monstre prétendu, peu amène ni ragoûtant, s'il croit qu'il va choisir leur jeunesse ! On danse, les costumes sont étincelants, il faut le séduire quand même. Lui ne danse jamais, il faut avoir un peu conscience de ce que l'on est, il aime être entouré de jeunes qui s'amusent, elle devrait danser aussi, mais personne ne l'invite, ça viendra, les choses finiront par s'inverser, pour lui ça ne s'inversera pas, il est un monstre, tout le monde le regarde comme tel, et à force il le devient, elle comprend, elle a peur de la méchanceté qui ne se voit pas, donc pas de lui. Ils mangent côte à côte, à même la barbaque. Ses doigts sont recouverts de bagues à émeraudes. Il s'endort, Catherine soulève ses cheveux, elle est la cadette, le mariage se conclut, à cette époque on pouvait se marier à 5 ans, elle doit en avoir plus. Ses nouvelles robes la transfigure, on ne la reconnaît plus, pour le moment, ça semble parfait, il n'y aura pas plus belle épousée, sa soeur n'y croira pas, ce sera bien fait pour elle, une robe pas usée, elle s'y croit, ça lui apprendra, ça fend le coeur, épouser un baron affreux, quelle horreur, pas si grave, on ne sait. Il faut être raisonnable Catherine, elle est incapable de garder des vêtements propres plus de 5 minutes, c'est un cochon, mais maintenant, elle fera ce qu'elle veut, il faut finir les retouches, elle arrive. Ressemble à un petit chaperon, le mariage était fastueux. Anne craint que Catherine ne revienne pas la voir, elle aimait être son souffre-douleur, même en étant pincée jusqu'au sang, car après elle se faisait gronder, mais tout cela, c'est terminé. Elle est très belle, mais l'ogre dévore tout. Le mariage c'est deux personnes qui s'aiment, Catherine tourne dans les escaliers, choisit la chambre la plus petite, personne ne pourra y pénétrer. Le Château ressemble à une prison, comme tous les Châteaux. Elle a l'innocence d'une colombe et l'orgueil d'un aigle, mais que son orgueil ne devienne jamais vanité, car alors elle sera perdue. Ca lui plaît ce qu'il lui dit. L'autre rit dans sa tête, la petite qu'elle était. Sans peur, jamais. Ou du moins une peur affrontée. Les bougies, les tableaux, c'est beau, mais elle ne dormira pas dans sa chambre, tant qu'elle n'est pas en âge, mais qu'est-ce qu'il a fait de mal en achetant ce petit lit ? Il doit ronfler, elle n'est pas un chien. Fonitopsis Pinacola dans la forêt, Boletus Piperatuis oui, Boletus Piperatus, ils sont jolis ces champignons, elles en trouve avec lui, « she has many lovers », elle chante faux mais il aime, sa soeur Anne chantait ça auparavant, en mieux, elle lui manque. Il lui remet le passe-partout qui ouvre tout, pour aller partout, tout est à elle, qu'elle s'amuse, il doit s'absenter un mois, elle sera contente de le retrouver, qu'elle profite de ça, qu'elle s'amuse, qu'elle voit sa soeur, qu'elle retrouve la vie de son âge, lui est un vieux loup échaudé, blasé de tout, ça ne l'intéresse plus, mais elle ne doit pas se servir de la clef dorée, c'est le seul interdit. Son voyage fut interminable, elle a essayé de ne pas compter les jours, elle a réussi, elle n'a pas compté les jours, comme elle est contente de son retour, encore plus beau, mais elle a ouvert la mauvaise porte, là où les femmes gisent dans leur sang, les précédentes. Il devra repartir, mais elle ne devait pas faire ça, elle doit mourir, le cabinet de la galerie n'était pas à voir. Par un escalier dérobé, elle était allée voir le sang. La clef en atteste, elle est souillée, demande pitié, au moins prier pour le repos de son âme, pour un quart d'heure, hélas, elle ne devrait pas échapper à la mort. « Anne n'entends-tu pas ? », les hommes de loi le tueront avant, elle remonte les escaliers, échappera au cimeterre, il faut mourir, mais pas comme ça , Catherine est morte en rêve, via sa soeur spectrale, en lisant le conte, alors qu'il fallait oser le vivre, ce qu'elle fit, incarnée, et donc survit. Caressant pensive, la tête décapitée de Barbe Bleue.