Christian-Jaque et Henri Jeanson parodient allègrement le conte de Charles Perrault. Quoique le début du film semble un temps reproduire la macabre dramaturgie du sujet originel, la suite introduit un mode quasiment vaudevillesque tandis que Barbe-Bleue n'est déjà plus tout à fait le terrible ogre amateur de jeunes vierges.
Déjà, la candeur et la spontanéité enfantines de sa septième épouse amadoue le méchant comte de Saltière, duquel on voit bien que la cruauté est une façade qui ne demande qu'à se lézarder. Un des moments les plus caustiques du film est celui où Barbe-Bleue fait le récit des meurtres de ses six premières femmes: les gestes fatals de Barbe-Bleue, déterminés par l'humour noir des auteurs et une certaine misogynie, ne sont en définitive que des mouvements d'humeur sanctionnant le comportement pénible de ses épouses et une existence conjugale insupportable (inutile de préciser qu' aujourd'hui, le mauvais esprit du film le condamne à la censure !). Plus tard, les auteurs se jouent plus encore de la légende, sans toutefois s'en détacher.
En revanche, la mise en scène est assez pauvre et certaines formules triviales signifiant la lubricité de Barbe-Bleue ne sont pas du meilleur goût. Mais le couple vedette fonctionne bien; la physionomie détonante et pouponne de Cécile Aubry, dans le rôle de l'impertinente Aline, et le cabotinage de Pierre Brasseur caractérisent deux personnages bien amusants. Pour autant, une adaptation réaliste et inquiétante de l'oeuvre de Perrault ne serait sans doute pas sans intérêt.