Qui aurait pu croire que cela arriverait ? Par quel miracle, après autant d’adaptations désastreuses de gammes de jouets, pouvions-nous attendre quoi que ce soit d’une adaptation de Barbie. Nous nous devions de nous poser des questions dès que Greta Gerwig fut annoncée à la réalisation. « Pourquoi ? », « Comment ? », « Qui ? ». Cette dernière, nous ne la posions plus dès que les noms de Margot Robbie et Ryan Gosling sont sortis, remplacée par encore plus de « Pourquoi ?! ». Ce projet était passé de « condamné » à « curieuse curiosité ». Comment la ligne de jouets Barbie pouvait-elle réunir autant de grands noms ? Est-elle si prometteuse que ça ?
Les bandes-annonces auront instantanément remplacés les soupçons par une hype si grande et intrigante qu’on pourrait en faire une étude sociologique sur le comportement des masses (ne serait-ce que pour expliquer le phénomène « Barbenheimer »). Nous ne comprenions pas mais une chose était claire, il faut aller voir Barbie. Qu’importe qu’il sorte en même temps que le nouveau Christopher Nolan, Barbie est un point fixe dans l’histoire du cinéma, le moment où, étrangement, tout le monde pouvait être hypé par l’un des trucs les roses et girlys de toute l’Histoire humaine. C’est la première avancée que constitue ce film Barbie : nous donner l’occasion de pouvoir assumer regarder un truc aussi efféminé et de pouvoir en faire des éloges sans ironie.
Ce qui a été le premier coup de foudre c’est la direction artistique absolument sans faille. Les décors de Barbie Land sont magnifiques et participent organiquement aux questions existentielles du récit. Ce monde magique est une version grandeur nature de l’imaginaire des enfants jouant à la poupée. Des interactions avec les objets jusqu’à la plage en plastique, Barbie brille par son esthétique flashy et factice. Le soin du détail est aussi magnifique qu’il est volontairement ridicule. Et ce n’est encore que la première partie du film.
Pas pour rien que la bande-annonce nous disait « Si vous aimez Barbie, ce film est pour vous. Si vous détestez Barbie, ce film est aussi pour vous ». Greta Gerwig exploite absolument toutes les composantes de la gamme de jouets, que ce soit les qualités et les reproches, pour en extraire un maximum de blagues tant sur elle que sur la réalité du monde, tout ça pour en tirer une comédie sincèrement hilarante qui ravira n’importe qui. Que ce soit ceux qui trouvent que Barbie est une poupée infantilisante ou ceux qui l’aiment sincèrement (car il y en a). Tout le monde est invité à rire devant ce film et à entendre son message fédérateur sur le féminisme et le patriarcat. Car même si Barbie est effectivement une poupée, elle représente énormément de choses dans le monde, pourrait-on même dire qu’elle l’a révolutionné. Ce faisant, il s’agit d’un film sur cette révolution.
En comparant le monde réel avec le monde enchanté, le film met en exergue la cruelle réalité humaine. Gerwig fera le choix osé de critiquer tant le féminisme que le patriarcat, quitte à les pousser jusqu’à l’extrême (ironiquement le seul véritable intrus est l’étrange humour sur les pontes de Mattel, se démarquant peu du reste). L’humour servant de pont pour accepter un débat aussi brûlant. C’est aussi en cela que Barbie est brillant, il rend possible cet échange tout en divertissant. Les questions existentielles et philosophiques (oui, on parle toujours du film Barbie) sont mises en avant pour être traitées de tous les côtés, le concept est pleinement exploité pour qu’il y ait un avant et un après visionnage. Ce film est un représentant unique de ce que la magie du cinéma peut faire pour nous plonger dans la réflexion.
Assumer quelque chose d’aussi volontairement ridicule était risqué mais c’est ce qui rend ce film aussi jouissif. On comprend alors pourquoi Margot Robbie et Ryan Gosling ont accepté. Ils ont su percevoir tout le potentiel scénique derrière ce concept aussi abradabrantesque. Ce n’est qu’une question de temps avant que Margot Robbie ne remporte un Oscar. Quant à Ryan Gosling il y trouve son meilleur rôle depuis Drive, en tout cas le plus fourni et expressif. Et quel plaisir de pouvoir dire ça sans ironie d’un film Barbie.
Il n’y a que du bien qui puisse ressortir de l’existence de ce film. Ses créatifs derrière peuvent être fiers. Et si un film Barbie peut exister, alors tout est possible...