Barbie est un crime contre l’humanité, et je pèse sagement mes mots. Toute personne ayant collaboré de près ou de loin à ce projet doit être éloignée de force du monde du cinéma. Barbie gratte pendant près de deux heures la cuve de la vacuité. Un long-métrage cousu de fil blanc, faussement révolutionnaire.
Si l’esthétique du film n’est pas déplaisante au début, elle va vite s’essouffler pour ne laisser place qu’à un récit prévisible et sans relief, illusoirement intelligent et profond. Pour moi le principal problème de Barbie, c’est son incapacité à amener de la profondeur dramatique à l’ensemble. On adhère ou pas au message humain sous-jacent. Ça n’est pas le problème. Les dialogues censés être un peu dans l’émotion tombent dans un pathos mielleux, on en aurait presque les doigts qui collent, quand ils ne nous plongent pas dans une gêne malaisante. Prenons l’exemple du dialogue final entre Barbie et Ruth (sa créatrice) dans lequel il est question que Barbie prenne conscience de la personne unique qu’elle est. Le message est déjà peu subtil dans son essence, alors en faire une longue longue scène épurée, avec une Margot Robbie chaotique tout le long du métrage, cela donne un malaise comme j’en ai rarement ressenti dans une salle obscure.
Bon je n’ai rien contre le message féministe du film, mais l’apporter avec plus de douceur eut été préférable, là très sincèrement, on a l’impression d’être sur un podcast féministe bourgeois type MyBetterSelf. C’est un film faussement féministe. Une sorte de féminisme libéral, où la femme ne doit pas prendre conscience de ses conditions matérielles d’existence, mais plutôt où on l’incite à instaurer une sorte de pouvoir matriarcal. Bref à renverser l’empereur pour se parer soi-même de pourpre. Dommage car l’idée d’un monde purement féminin comme il est évoqué dans le film est bien plus intéressante, une sorte d’Eden où les femmes gouvernent pour elles-mêmes, par elles-mêmes. Bref, on s’en moque un peu, nous nous éloignons du sujet.
Avec plus de subtilité, Barbie aurait vraiment gagné en qualité. Avoir des personnages qui ne martèlent pas en permanence ce que la réalisatrice veut absolument que les spectateurs comprennent, ce n’est juste plus du cinéma. Beaucoup de relations auraient pu se résumer à des jeux de regards, à des plans intelligemment construits. Mais non, en permanence tout nous est toujours explicité, c’est une négation de l’essence même du cinéma (je suis innocent du lien entre négation et crimes contre l’humanité). Puis tout ce raffut pour finir sur des plans qui sonnent comme des éloges à peine cachées de ce produit ultra capitaliste, sur lequel on crache tout le long du film (à juste titre peut-être…) pour au final en faire une sorte de pub et le réhabiliter avec ces plans donc, qui montrent des femmes, qui s’épanouissent grâce à Barbie (cela est sous-entendu) on dirait bien que la réalisatrice n’a pas trop osé assumé son message. Cela résonne un peu comme «Oui nous avons été des vilains capitalistes vous poussant au consumérisme en véhiculant des images stéréotypées de la femme. Mais maintenant nous sommes des gentils capitalistes, nous avons bien compris le message. Achetez nos nouvelles poupées représentant la féminité dans toute sa modernité.» Un message un peu arrosé d’acide n’aurait pas été vain je crois. J’ai l’impression de voir des personnages se battant contre un monde pour au final le conserver et s’y complaire. Même le film, dans ce qu’il raconte, n’arrive pas à cacher que l’on est en train de prendre le spectateur pour un jambon, qu’on se paie sa tête. Comme si tout ce qui avait été construit était destiné à être détruit à la fin.
S’il faut reconnaître un travail sur l’esthétique, il faut dire que la réalisatrice, Greta Gerwig, qui a montré ici un bien piètre exemple de son art, n’a pas su donner corps au récit par des personnages de cinéma construits comme tel, par une non-volonté de transmettre un message par le médium cinématographique (elle aurait très bien pu en faire un podcast, tant le cinéma ici semble se prostituer à quelque chose d’autre. «Misomusie !» Aurait hurlé le regretté Milan Kundera). C’était la pire utilisation que l’on pouvait faire de l’imagerie de «Barbie» tant n’importe quel imbécile avait une caméra aurait au minimum pondu quelque chose d’équivalent à cela (sans trop réfléchir) c’est un film d’une grande fainéantise.
Je me suis retrouvé soupirant à la fin de la séance, abruti par une salle hilare, qui a applaudit avec fracas quand le générique est venu. Rare film aura été autant une épreuve physique et mentale pour ma personne. Mais surtout il me donne l’impression d’être en décalage avec mon temps, d’être à rebours de mon époque…Car nul doute que Barbie aura beaucoup de succès public et malheureusement critique.
Ps : J'ai lu ci et là, même dans de mauvaises critiques que les personnages masculins seraient les seules réussites du film. Non. Franchement, peut-on faire plus convenus et clichés comme personnages pour traiter du patriarcat ? l'humour cynique ne marche pas une seule fois, pire, il se retourne contre ceux qui les critique. Quand le personnage de Ryan Gosling atteint sa conclusion, c'est à dire qu'il se rend compte qu'il a fondé un patriarcat car il était en quête de lui-même, cela fausse tout ce qui a été dit précédemment. Cela nie juste le fait que le patriarcat est un phénomène social bien volontaire, il n'est pas le fruit d'hommes en manque d'identité. Encore une fois, au mieux les personnes qui ont mené ce projet sont paresseux, au pire ils sont justes des imbéciles qui ne comprennent ni la nuance, ni la subtilité, ni le sujet qu'ils traitent.