C'est l'histoire de désoeuvrés, d'un particulier, qui cherche la lumière d'un soir, et peut-être d'une vie.

Poussant toujours plus loin son goût pour la marginalité, Dupieux nous amène pendant une petit heure, courte, mais intense à suivre les pérégrinations d'une sorte d'incel, «de haineux de Twitter» comme il le qualifie lui-même, qui décide de prendre en otage une salle de théâtre à moitié vide, dans le but de lui présenter une pièce de sa création.

Iconoclaste est Dupieux, brisant à la fois l'interdit de la suspension d'incrédulité, et mettant en avant un profil détestable, qu'on finit presque par avoir en pitié, comme un vieux copain paumé du primaire qui s'est paumé dans la vie.

Dupieux révèle Quenard dont le jeu nerveux sied parfaitement à un personnage dont la couche d'agressivité se recouvre peu à peu de la poussière de la tendresse. Comme si ses cris étaient les trompettes annonçant les larmes. Dont le regard fou devient doucement, mais sûrement, celui d'un enfant qui goûté enfin au pouvoir créateur. Un pauvre type déclassé qui par le menace d'une arme, prend possession politique de son espace, et par ce même espace scénique s'octroi le pouvoir créateur

La beauté de ces pris en otage qui se mettent à tendrement sourire d'attendrir face aux diatribes d'une piètre bourreau, qui avait besoin de toute cette violence pour évacuer sa frustration.

Lui-même n'est pas le seul oublié dans les méandres de la société, les acteurs, tous trois à l'affiche d'une vulgaire pièce de boulevard qui n'attire pas les foules. Les spectateurs, échantillons de la société (française) les petits patrons, la jeunesse, les jeunes filles, le vieux bourgeois, le simple employé de bureau... Tous sont témoins de ce putsch théâtral.

De mise en abîme parlons-en. Quel est le pouvoir du théâtre ? De l'art en général. D'arracher les plus belles larmes d'une vie à ce Yannick ? Cette illusion théâtrale qui viendra ce fracasser à ces hommes de l'ordre, cette réalité toujours aussi brutale. Comme pour nous rappeler que le théâtre, l'art ne pourra jamais être qu'une parenthèse et jamais rien accoucher d'un tant soit peu tangible.

Filmer ainsi, dans ce huis-clos de l'illusion, c'est filmer les ténèbres qui nous entourent tous. Yannick lui, saute le pas, il rompt cette suspension d'incrédulité, car quand même l'art ne peut plus rien pour nous, n'est-ce pas le moment de s'alarmer et de prendre les armes ?

ThomasHenry98
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le 1 août 2023

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ThomasHenry98

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