Un spectateur en quête d'un bon divertissement !

Quentin Dupieux reprend un schéma qu'il avait déjà spécifiquement employé dans Le Daim, à savoir que c'est le trait de folie d'un personnage qui déclenche l'intrigue (et non pas un élément fantastique, comme dans Mandibules ou Incroyable mais vrai !) dans un monde tout ce qu'il y a de plus réaliste et avec des réactions cohérentes des êtres qui l'entourent.


Ici, c'est l'histoire de Yannick, un gardien de nuit, habitant Melun, ayant fait quarante-cinq minutes de transports en commun et quinze à pied, qui, pour profiter d'un rare jour de congé, assiste à une représentation, à Paris, d'une mauvaise pièce de boulevard, intitulée Le Cocu, jouée par de mauvais comédiens. C'est banal. Cela pourrait arriver à n'importe qui, n'habitant pas une très grande ville. La suite l'est moins. Yannick décide d'interrompre les acteurs pour signifier son insatisfaction d'une manière radicale...


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Excepté une très courte scène, l'ensemble se déroule exclusivement dans l'enceinte d'un théâtre et particulièrement dans la salle de spectacle qui est le théâtre (désolé !) de l'action... Ce qui a pour conséquence que l'intrigue passe par les échanges et les actes des caractères mis en présence. Quelques-uns se démasquent ou perdent leur masque face à ces circonstances peu ordinaires. Ce qui donne lieu à des dialogues véritablement jubilatoires, activant assez souvent les zygomatiques, par un Dupieux bien en verve à ce niveau-là.


D'ailleurs, petite parenthèse, comme c'est tout le temps le cas chez le cinéaste, qui est un excellent directeur d'acteurs et d'actrices, qui sait parfaitement les choisir, tous les interprètes, principaux et secondaires, sont au taquet. Mais, je ne peux pas à côté du plaisir de mentionner spécialement Pio Marmaï, magistral en comédien nul. Non, mais sérieux, il faut avoir un sacré talent pour incarner avec naturel un comédien nul, sans que ça paraisse forcé.


Mais, pour en revenir au démasquage, sans que ce soit fait explicitement, au contraire des autres démasqués, c'est Yannick qui se révèle inconsciemment, sa solitude, son quotidien que l'on devine harassant et insatisfaisant, en s'offrant un petit moment de gloire. L'art, comme pour beaucoup de prolétaires comme lui, est le seul moyen de sortir temporairement de la morosité de son existence. Pour cette raison, il estime avoir le droit à un divertissement à la hauteur de ses efforts, non seulement pour effectuer un long trajet pour aller dans la capitale, mais aussi pour le récompenser de la pénibilité de son travail salarié qu'il s'emploie à bien exécuter. Dans cette optique, le cocu de l'histoire, c'est lui (il ne faut pas croire, mais derrière ses "délires", il peut y avoir un réalisme social chez Dupieux, prégnant surtout dans Le Daim, Incroyable mais vrai et ici !).


Et là, il faut que je tire mon chapeau à Raphaël Quenard qui contribue magnifiquement au tour de force de rendre un personnage d'abord agaçant puis hilarant pour finir touchant. Il suffit de voir le regard de bonheur enfantin de son personnage quand il parvient à ce qu'il aurait possiblement voulu faire (et être !) depuis toujours. C'est émouvant. Il fait pitié au fond. Dupieux a vraiment bien fait de confier à Quenard le rôle-titre. Il a totalement les épaules, le talent, le charisme pour ça.


Allez, pour conclure sur une touche légère, ben, c'est bien beau (et drôle et triste !) tout ça, mais ça ne dit pas ce qu'il y a dans ce fichu frigo (celles et ceux qui ont vu le film comprendront ;-)).

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le 3 août 2023

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Plume231

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